Bouteflika “supervise” l’action du gouvernement “pas à pas”, a dit Sellal avant-hier à Blida. Mais quel est l’avis de Bouteflika sur l’état d’avancement de ce qu’il “supervise” et quelle est son appréciation de ce qu’il suit “pas à pas” ? Nul ne le sait car il ne le dit pas et il n’a délégué personne pour nous le dire, n’ayant désigné, jusqu’ici, aucun porte-parole de la présidence de la République.
M. Sellal a encore ajouté que le président de la République est “seul et unique garant de la pérennité de l’État en vertu de la Constitution”. On ne trouve nulle trace de pareille assertion dans notre loi fondamentale et, de surcroît, on n’en voit pas la signification pratique. En revanche, il est clairement stipulé dans l’article 70 de la Constitution que “le président de la République (…) incarne l’unité de la Nation”, qu’“il est garant de la Constitution” (et non de la pérennité de l’État), qu’“il incarne l’État dans le pays et à l’étranger”. Et, surtout, qu’“il s’adresse directement à la nation”. Ce qui va de soi car on ne peut incarner l’État en silence. S’agissant ici d’un texte juridique, et non pas d’un discours politique comme celui de M. Sellal à Blida, il convient de donner aux mots leur sens, tout leur sens et rien que leur sens : nul ne peut s’adresser à la nation au nom du chef de l’État. Une disposition que violent continuellement les Saâdani, Ouyahia, Sellal et bien d’autres, depuis plus d’un an. Mais aussi une obligation constitutionnelle à laquelle ne s’astreint pas le président de la République. Une obligation constitutionnelle, mais pas seulement.
Tout chef d’État a besoin de parler. Toujours. Pour convaincre, rassurer, persuader ou, tout au moins, pour montrer qu’il joint ses actes à sa…parole. Il est arrivé à d’aucuns, comme un certain Hollande, de le faire plusieurs fois le même jour. Et ce n’est sûrement pas dû à un trop-plein d’“alacrité” mais plutôt pour répondre à une attente des Français. Dans le cas de Bouteflika, il y a désormais une donne supplémentaire qui requiert sa parole. Plus que jamais. Il doit, conformément à l’article 70 de la Constitution, “s’adresser directement à la nation”. Car si les doutes et appréhensions exprimés par “les dix-neuf”, déjà largement partagés au sein de l’opinion, les signataires de “la lettre du 1er novembre” affirment désormais “savoir des choses très graves”. Là aussi, les mots ont leur sens. La parole est à vous, Monsieur le Président…