La pédagogie du style Saâdani

La pédagogie du style Saâdani

Amar Saâdani a-t-il le droit de clamer que Chakib Khelil est le meilleur ministre algérien de tous les temps ? En toute rigueur, oui.

Chakib Khelil, n’étant pas – ou plus – recherché par la justice algérienne, n’a légalement rien à se reprocher.

Et encore ! Même soupçonné, il bénéficierait de la présomption d’innocence. Il n’y a donc aucune raison de reprocher à un citoyen, fût-il le secrétaire général du parti du pouvoir, d’avoir son ministre préféré. Et de le crier au moment où il est de bon ton de dénoncer le ministre présumé corrompu, constitue un acte de courage. Peu importe si Saâdani puise son courage dans ses convictions, sa folie ou dans l’assurance que lui ont prodiguée ses parrains.

Dans ce qu’il dit d’infâme pour les docteurs en démocratie, en transparence et en patriotisme, il y a des vérités d’une grande pédagogie. Car, enfin, pourquoi voudrions-nous que Saâdani tranche là où la justice ne l’a pas fait. Il aurait pu s’en sortir avec le sempiternel “l’affaire est entre les mains de la justice ; laissons la justice travailler en toute sérénité”. L’on a vu ce que ce faux-fuyant produit, en termes d’État de droit : il se passe une génération entre le procès et les faits jugés…quand ils sont jugés.

Nous avons beau contester les capacités politiques et intellectuelles qui correspondent à sa fonction, c’est lui qui, finalement, nous décerne la leçon méthodologique : la corruption, en Algérie, n’est pas un problème de droit ; c’est une question politique. “Quelle affaire Chakib Khelil ?”, a-t-il l’air de nous demander. Eh oui ! Qu’a-t-il été fait dans cette affaire à part compter sur la persévérance d’un procureur italien ? Dans notre paresse politique et sociale, nous nous sommes habitués à donner procuration à ceux que nous croyons en position de faire aboutir notre cause.

C’est une conviction partagée que c’est là la meilleure manière de servir ses convictions sans prendre le risque de compromettre sa carrière. C’est pour cela que Saâdani nous surprend par son arrogance. Quand il a annoncé l’avènement de “l’État civil”, c’est nous qu’il a émus. Et nous cherchions des motifs à l’audace d’un politicien inaccompli. Dans le débat qui nous occupe aujourd’hui et qui pose une question d’une gravité extrême, celle de savoir si le Président en titre préside, Saâdani ne tergiverse pas : il n’y a aucune autre source de pouvoir que Bouteflika. Il n’y a pas “d’affaire de vacance de pouvoir” ! N’est-ce pas plus clarificateur que le pouvoir s’adresse à tous avec une telle voix ? Qu’importe ensuite que ce style procède d’une candide spontanéité, d’une provocante crânerie ou d’une naturelle franchise. C’est bien plus clarificateur que ce qu’on observe comme fausses révoltes contenues et comme interventions au style convenu.

M. H.