Écrit par Hamid Bellagha
Dans un communiqué daté du 1er décembre 2018, Sonatrach a indiqué avoir paraphé le document d’achat de la raffinerie d’Augusta par le groupe national des hydrocarbures algérien à Esso Italiana, une filiale du groupe américain ExxonMobil. Une filiale à capitaux de trois grandes entreprises majors du secteur pétrolier.
La transaction entre le géant algérien, Sonatrach, et Esso Italiana a débuté au mois de mai dernier et, le moins que l’on puisse écrire, est que cette vente a soulevé bon nombre de critiques de part et d’autres de la Méditerranée.
Avec cet acquis, les capacités de raffinage de Sonatrach augmentent de 10 millions de tonnes, et les capacités additionnelles de stockage portées à 3 jours de consommation en gas-oil, et 3 jours de consommation en essence, selon la même source. Cette capacité de raffinage place cette raffinerie deuxième après la mythique raffinerie de Skikda qui assure 16 millions de tonnes/an.
Cet achat permettra à Sonatrach de combler son déficit en production locale en gas-oil et essence, évitant par la même de recourir à l’importation, et de proposer, sur les marchés internationaux, les excédents.
La raffinerie d’Augusta, et malgré les critiques suite à son acquisition par Sonatrach, représente quand même 25% de la part de marché dans le bassin méditerranéen, ce qui est loin d’être négligeable. L’Algérie, à travers cette acquisition, pourra définitivement tourner le dos aux importations de carburants, subventionnés très largement, faut-il le rappeler.
La raffinerie d’Augusta n’est pas une inconnue pour Sonatrach, puisqu’elle s’approvisionnait régulièrement à Zarzaitine et Skikda. «Les terminaux de carburants de Naples, Palerme et Augusta (inclus dans la transaction) offrent une capacité de stockage supplémentaire de 565 kb (565 000 barils) de gas-oil et 309 kb (309 000 barils) d’essence», soulignera aussi le communiqué de Sonatrach.
Rappelons qu’une levée de boucliers avait accompagné l’annonce, par le P-DG de Sonatrach, Ould Kaddour, de l’acquisition de la raffinerie italienne. «Une nouvelle raffinerie de la taille de celle de Augusta coûterait au bas mot quatre milliards de dollars. Si Exxon Mobil l’a cédée à 700 millions, c’est qu’elle représentait un actif toxique synonyme de perte d’argent», relevait-on comme principale critique.
Ladite raffinerie, «une des plus vieilles en Italie nécessiterait des opérations pointues d’entretien vu son âge avancé : près de 70 ans». Rappelons, aussi, dans ce cadre, que Sonatrach attend la livraison de la raffinerie de Baraki, en plus d’un autre programme pour la construction de trois autres. Il y a donc de la surproduction de gas-oil et essence qui se profile à l’horizon.
Sonatrach rassure
Le même étonnement s’est exprimé du côté de la Sicile, où la presse spécialisée a rapporté «que le parquet et la municipalité d’Augusta, conduite par Mme Cettina Di Pietro, étaient étonnés de la précipitation de l’équipe de Sonatrach pour l’acquisition de cette raffinerie, vieille de 70 ans, pour un montant pareil», et que «le bourgmestre a confirmé avoir averti les représentants de Sonatrach avec, à leur tête, Ould Kaddour personnellement, qu’une réhabilitation environnementale, estimée à plus d’un demi-milliard d’euros, est impérative sous peine de fermeture». La paraphe du document obéirait-elle au fait que «le raffineur est content lorsque les prix sont bas » ? On serait tenté de répondre par l’affirmative, si les pourparlers ne s’étaient pas effectués alors que le pétrole caracolait à plus de 80 dollars U.S.
Contrairement aux pronostics avancés par les spécialistes, prévoyant le fiasco annoncé d’une telle affaire pour l’Algérie, côté algérien, et avant la paraphe du contrat, et selon le conseiller auprès du P-DG du groupe Sonatrach, Ahmed Mazighi, «l’achat de la raffinerie d’Augusta est bien étudié».
Ainsi, M. Mazighi a expliqué que la raffinerie d’Augusta est suffisamment «grande» et «complexe», précisant, à ce titre, que «plus une raffinerie est complexe plus son rendement est important».
Sonatrach compte augmenter, avec Augusta, sa capacité de traitement de 10 millions de tonnes par an, et, avec les terminaux de stockage de carburants situés à Naples, Palerme et Augusta ses capacités totales de stockage de 925 000 barils.
Toujours selon la partie algérienne, «l’infrastructure possède des unités de bitume et une de soufre» et Augusta peut traiter «du Sahara Blend, du Zarzaitine et du fuel résiduel de Skikda», outre que l’utilisation du fuel de Skikda permet de réduire énormément les émissions de SO2 (dioxyde de soufre).
«La raffinerie d’Augusta ainsi que ses terminaux à Naples et Palerme occupent une position stratégique, car elle se trouve au cœur de la Méditerranée et voisine des principaux ports algériens», argumentera aussi M. Mazighi.
Sur le problème de contamination des sols, qui engendrerait des coûts énormes pour la conformité européenne, et sujet d’une forte polémique, Sonatrach expliquera «que la surface concernée par le traitement des sols est de 20 hectares (ha) sur 360 ha et non pas 330 ha comme l’avaient rapporté des médias ».
Le coût jugé de traitement des sols est de 30 millions de dollars par an sur sept ans. Ce montant est inclus dans le modèle économique de valorisation de la raffinerie.
La clôture de cette transaction fait suite à un processus de transition de
6 mois qui a permis à Sonatrach «de lever toutes les conditions suspensives, notamment celles liées aux accords anti-trust», développera la compagnie.
Il reste maintenant que, face aux avis des uns et des autres, fortement contradictoires, le temps sera le seul à même de déterminer si le choix de Sonatrach est judicieux.