La réforme de l’école les rend hystériques: La « croisade » des islamistes

La réforme de l’école les rend hystériques: La « croisade » des islamistes

Les islamistes, en retard de plusieurs guerres, continuent à considérer la modernité comme occidentale et anti-islamique.

Les islamistes font de la politique et pour arriver au pouvoir, ils sont prêts à pactiser avec tout le monde, y compris avec le diable. Les arrangements avec Israël et l’Otan effectués par Erdogan alors que ceux-ci sont considérés par les musulmans comme étant les ennemis irréconciliables de l’islam sont à ce titre fort instructifs. Les islamistes algériens eux aussi savent tenir le bâton par le milieu, courber l’échine, pour se tailler une parcelle de pouvoir. Néanmoins, sur la question de l’école, ils restent intransigeants et imperturbables.

En effet, à chaque fois qu’une tentative de réforme de l’école ou de refonte du système éducatif dans le sens de la sécularisation est enclenchée, les islamistes sortent de leur tanière et battent le pavé pour protester contre ce qu’ils qualifient «de menace à l’identité et aux constantes nationales» qui se résument pour eux en deux mots: islamité et arabité. C’est ainsi que, depuis que Benghebrit a évoqué son projet de réforme de l’école en vue de d’arrimer celle-ci aux standards universels, de la moderniser et de l’algérianiser, ils n’arrêtent pas de crier et de dénoncer un «complot» contre l’islam et la langue arabe. C’est comme si un tel projet allait signer leur mort. Pourquoi? Selon Abderrezak Dourari, professeur des universités, l’école joue un rôle fondamental dans la formation et l’entretien de l’imaginaire et, à ce titre, l’entretien de l’ordre islamiste actuellement en vigueur dans les pays musulman à travers le système éducatif constitue un enjeu de taille pour les islamistes.

«L’école poursuit imperturbablement la formation et l’entretien d’un imaginaire mythique fait d’images anhistoriques des acteurs qui ont accompagné la révélation et l’idéalisation du Coran comme texte contenant l’ultime vérité scientifique et cosmique, hors du temps et de l’espace. Cette attitude conduit à un désir «orthopraxique» auprès des croyants qu’un petit coup de pouce d’officines, bien approprié, pourra orienter», explique-t-il. Autrement dit, l’école constitue le moule qui permet de reproduire la société selon les mêmes réflexes, la même culture et les mêmes objectifs, ce qui garantit le maintien de l’ordre actuel qui profite aux islamistes qui y trouvent parfaitement leurs comptes. Soheib Bencheikh, théologien de renommée mondiale, explique lui aussi la résistance à la rupture épistémologique qui doit s’opérer en islam par la volonté de certains milieux de conserver leur statut et leurs intérêts. «Tant qu’on aura des maîtres qui produisent des disciples, copies conformes d’eux-mêmes, tant que ces mêmes disciples feront à leur tour des clones de leurs maîtres, ils resteront enchaînés à ce passé de plus en plus mythifié, incapables donc de répondre au présent et à ses sollicitations», explique-t-il en rappelant que les musulmans qui s’opposent à la modernité et à l’universalité sous prétexte qu’elles seraient occidentales et anti-islamiques sont en retard de plusieurs guerres.

«Le progrès occidental, ou plutôt universel, est le fruit d’une succession de civilisations et l’accumulation d’une longue série d’expériences du vécu humain, et auxquelles les musulmans, dans leur temps, ont prodigieusement participé.

Au moment où l’Occident se veut plus libre et plus neutre, nous lui opposons notre spécificité: nous sommes musulmans, nous sommes arabes, nous sommes orientaux, etc. Outre cette généralisation injuste et irréelle, l’Occident n’oppose plus sa spécificité originelle ou identitaire. Il oppose un espace qui n’a ni couleur ni odeur, mais permet à toutes les couleurs et à toutes les odeurs de s’exprimer et de se diffuser. C’est un espace où toutes les vérités se repoussent et s’ajustent, où le ‘darwinisme idéel » fonctionne sans entrave.

Le rapport entre l’Occident et les pays musulmans n’est plus dans une logique de conquête-reconquête ni d’une compétition entre christianisme et islam. Mais le discours le plus audible des musulmans continue à appréhender l’Occident à travers ce paradigme. Ainsi, nous combattons toujours pour une cause qui n’existe plus et contre un ennemi imaginaire. Ce déni maladif ou cette scotomisation dépasse les discours pour se traduire en une politique étatique», explique-t-il.

En effet, l’attitude des islamistes face au projet de modernisation de l’école procède, selon lui, à la fois, d’une volonté de maintien d’un ordre politiquement profitable pour eux et d’une «ignorance institutionnalisée» des enjeux de la modernité. Par ailleurs, la défense des constantes nationales sans cesse évoquée par les détracteurs de Benghebrit et de son projet de réforme de l’école, est battue en brèche par Soheib Bencheikh qui, texte coranique à l’appui, considère que le Coran lui-même est contre toute idée de constance. «Logiquement et étymologiquement, ‘constance », est le contraire de tout ce qui s’apparente au ‘mouvement »; c’est difficile dans ce cas de s’accommoder avec des conceptions telle ‘la marche du siècle » ou ‘l’évolution civilisationnelle » Il y a un verset qui précise la nature et la mission de l’ensemble du discours coranique: ‘Ceci est un Coran qui guide vers le meilleur (ou le plus droit, aqwam). » Le texte coranique est un mouvement vers un idéal éthique et esthétique, donc relatif et évolutif. Il guide chaque peuple vers le meilleur de ce peuple, il guide chaque époque vers le meilleur de cette époque.

Il ne guide pas les Français ou les Anglais d’aujourd’hui vers le meilleur des Arabes du Hedjaz du VIIe siècle», analyse-t-il.

En faisant ce qu’ils sont en train de faire, les islamistes veulent-ils reconduire l’Algérie au VIIe siècle?