Finalement, les gens, qui disent, en connaissance de cause, qu’il est strictement interdit de tomber malade en Algérie, ont tout à fait raison.
Mais paradoxalement, ils s’interrogent sur l’inutilité des dépenses publiques pour une santé de qualité et qui avoisinerait, selon des sources de l’OMS, près de 200 dollars par habitant et par an.
Au moment, où on parle avec insistance de la nécessité d’humaniser les urgences médicales et faciliter l’accès aux soins, d’anciens réflexes négatifs persistent. Afin d’illustrer cette situation anachronique, deux cas concrets, parmi des milliers, car derrière chaque patient peut se raconter toute un périple fait de déboires.
Mercredi après-midi, il est 19h, une Oranaise pique une crise du côlon. Premier réflexe, se faire consulter au point de garde. Arrivée sur les lieux, précisément à la polyclinique Emir Khaled, la malade en souffrance doit monter plusieurs marches aidée par ses proches, alors qu’à l’entrée, la salle de soins devait en principe être aménagée en salle de garde.
Qu’à cela ne tienne, le médecin de garde arrive et demande et on lui explique que la patiente traite déjà une colopathie. Le médecin de garde qui, et on le saura plus tard, ne fait que remplacer un confrère, demande encore une fois : «C’est quoi le problème ?». On lui répond : «Elle souffre du colon». Sans l’ausculter, alors que la malade souffrante est déjà sur la table d’examen, elle demande qu’elle soit évacuée sur la salle de soins pour une injection.
Une accompagnatrice demande gentiment si c’était possible que l’infirmière de garde puisse se déplacer pour éviter un autre déplacement ? «Non, rétorque la praticienne, la salle de consultation ne peut pas être transformée en salle de soins».
Pendant ce temps, la malade souffre encore plus et on demande une ambulance pour la transférer aux UMC du CHU d’Oran. Et là, c’est le paroxysme de la bêtise humaine. On demande à une des accompagnatrices de la malade d’appeler l’ambulancier. Le bouquet, l’ambulancier a éteint son portable. Que faut-il faire ? Appeler le SAMU. Le service ne détient même pas le numéro de téléphone du SAMU. Las d’attendre, la malade est évacuée sur une clinique privée qui, théoriquement, a un service d’urgence fonctionnant H24.
Il est 21 heures. Ici, mis à part les conditions hygiéniques, la salle de consultation réservée aux urgences est vide et le médecin a été appelé pour se présenter quelques minutes après. Sans bouger le petit doigt ni faire usage de son stéthoscope, il rédige une lettre d’orientation pour une radio que, seuls, les UMC peuvent faire.
Il est 22 heures et arrivée à ce service, connu pour être une véritable fourmilière en raison des dizaines de cas, qui se présentent, et dans un espace mal aéré et manquant de climatisation et d’où se dégagent des odeurs nauséabondes, la malade est auscultée avant de lui demander de se diriger au service de radiologie situé à quelques mètres.
Et ce sont, une nouvelle fois, ses proches, qui vont la transporter vers le service indiqué avant de la ramener chez le médecin, qui lui prescrit une injection indisponible et qu’il faut aller acheter dehors. A la salle des soins, un seul infirmier est entrain de suturer un blessé alors que des malades attendent leur tour.
Notre malade, obligée de se faire une injection intraveineuse, ne pourra pas attendre et c’est une de ses proches, qui se trouve être médecin, qui se débrouillera un garrot et qui s’en chargera. Il est 23h. La malade se sent mieux mais pense déjà à une autre crise et ce qu’elle devrait encore endurer.
C’est ce qu’ont eu à constater les parents d’une petite fille de deux ans, qui présente des convulsions répétitives et qui devait être prise en charge dans un établissement spécialisé. Deux jours durant, la petite est trimballée d’une structure à une autre avant d’être enfin consultée par un pédiatre, qui demande des examens complémentaires disponibles au service de pédiatrie «B» du CHU d’Oran, connu sous le nom de «Marfan».
Après une autre consultation, on lui demande de s’inscrire pour un rendez-vous. Stupéfaction des parents : Nous sommes le 2 juin 2010 et le plus proche rendez-vous est fixé au 2 février 2011.
En clair, la petite devrait attendre 8 longs mois alors que son état peut s’aggraver et engendrer soit une épilepsie ou même une méningite. «2 février 2011 ?», a tenu à demander le père. Pas de réponse convaincante si ce n‘est «Allah ghaleb», le programme est chargé. Sans commentaires !
Hichem Badaoui