La Suisse n’exporte pas que du chocolat. Elle envoie aussi massivement de la cigarette toxique vers l’Afrique, marchandise qu’elle n’aurait pas pu écouler sur le Vieux continent. C’est le résultat d’une enquête publiée par l’ONG suisse, Public Eye et intitulée « Les cigarettes suisses font un tabac en Afrique ».
Pour aboutir à cette conclusion, l’ONG s’est basée sur le Maroc, un choix qui s’explique par la place importante qu’occupe le pays pour les majors de l’industrie comme Japan Tobacco International (JTI), Phillip Morris International (PMI) ou Bristish American Tobacco (BAT).
Le pays est en effet, la seconde destination de la cigarette fabriquée en Suisse avec 3,62 milliards d’unités absorbées en 2017 derrière le Japon et devant l’Afrique du Sud. Et si pour le consommateur marocain, fumer de la cigarette originaire de Suisse apparaît comme un gage de qualité, il n’en est rien d’après l’ONG qui indique avoir réalisé des tests en laboratoire grâce à une machine à fumer et une cigarette de référence.
« Les résultats sont clairs : les cigarettes fabriquées sur le sol helvétique et vendues au Maroc sont bien plus fortes, plus addictives et plus toxiques que celles que l’on trouve en Suisse ou en France.», explique Public Eye.
« Pour chacun des trois paramètres testés [goudron, monoxyde de carbone et nicotine, ndlr], la quasi-totalité des cigarettes produites en Suisse et consommées au Maroc enregistre une teneur supérieure à celle observée dans les cigarettes suisses et françaises.», renchérit-elle.
Pour l’organisation, cette situation est notamment entretenue par le manque de contrôle de l’industrie et le laxisme des autorités.
« Si la Suisse ne contrôle pas les cigarettes fumées par ses habitants, elle ne s’intéresse pas plus à celles produites sur son sol et exportées, confirme l’Administration fédérale des douanes (AFD). Car ce ne sont pas les normes suisses qui s’appliquent, mais bien celles du pays qui importe ces cigarettes. La Confédération promeut ainsi et profite de l’existence d’un double standard, quitte à aggraver les problèmes de santé publique dans les pays importateurs.», souligne l’organisation.
Du côté des importateurs comme le Royaume chérifien, Public Eye fait remarquer que la situation n’est pas non plus reluisante.
« Le Maroc ne contrôle pas les composants des Winston et des Camel importés de Suisse. Les douanes se contentent de s’assurer de la conformité fiscale des conteneurs. Le cas marocain n’est pas unique : rares sont les pays équipés d’un laboratoire qui analysent systématiquement les cigarettes importées. Selon l’OMS, le Burkina Faso est le seul pays d’Afrique à le faire.»,ajoute-t-elle.
Réagissant à la publication de l’enquête, JPI estime que les résultats restent imprécis. « Aucune méthode standardisée ne peut reproduire les habitudes réelles de consommation des fumeurs. Personne ne peut dire qu’une cigarette est moins toxique qu’une autre, par exemple au niveau du goût.», affirme l’entreprise.
Pour rappel, la Suisse a produit 34,6 milliards de cigarettes en 2016 pour des recettes d’exportation de 561 millions de francs suisses, d’après une étude de KPMG.
Espoir Olodo