L’accord d’association et le reste : Les explications du ministre des Finances

L’accord d’association et le reste : Les explications du ministre des Finances

L’augmentation du niveau du montant alloué à l’exécution du 3e plan quinquennal résulte, selon le ministre des Finances, du rajout des «restes» financiers des anciens projets.

Annoncé par le présidentde la République en juillet 2009, le troisième plan quinquennal devait bénéficier d’une enveloppe financière initiale de 150 milliards de dollars.

C’est du moins ce qui a été précisé par Bouteflika en personne lorsqu’il avait fait état de son intention de lancer un plan quinquennal conséquemment à son obtention d’un troisième mandat présidentiel.

Mais voilà que ce montant varie d’un discours à l’autre et d’un responsable à l’autre. De 150 milliards de dollars, il a atteint, par la bouche du ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, 180 milliards de dollars, puis par celle du Premier ministre ainsi que d’autres ministres, 280 milliards de dollars.

Il faut reconnaître qu’en un laps de temps relativement court, ce montant a pratiquement doublé sans qu’aucun responsable ne trouve à redire ou en expliquer les raisons.

Seul un député RCD a posé la question au gouvernement, sans pour autant obtenir une réponse convaincante.

Pour leur part, des journalistes se sont rapprochés du ministre des Finances pour la lui reposer, même si les circonstances ne s’y prêtaient pas beaucoup. C’était dimanche dernier à l’hôtel Hilton d’Alger, à l’occasion de la célébration de la journée de l’Europe par l’ambassade de l’Union européenne à Alger.

Karim Djoudi était l’hôte de l’ambassadeur Laura Baeza, tout autant que l’a été Mohamed Bessalah, le ministre des Postes et Télécommunications, tous deux en tant que représentants du gouvernement algérien.

Interrogé donc sur les raisons qui poussent les responsables à chaque fois à avancer un montant tout à fait différent du premier annoncé par le chef de l’Etat pour la mise en œuvre du plan quinquennal, et si ces responsables disaient vrai ou faux, le ministre des Finances a répondu que «personne ne ment, chacun dit vrai pour la simple raison que chacun calcule avec l’argent qui reste après exécution des projets qui ont été programmés les années précédentes.»

Comme à son accoutumée, Djoudi choisit un ton serein et neutre pour répondre à des questions qui ne doivent pourtant laisser personne indifférent de par leur importance, voire leur gravité.

LA LOI BUDGÉTAIRE ET «LES RESTES» FINANCIERS

«Vous savez, a continué de dire le ministre des Finances, les projets qui ont été initiés dans le cadre du premier et du second quinquennats ont nécessité de l’argent, mais parfois on leur alloue des enveloppes financières qui suffisent amplement à leur exécution. Mieux encore, on remarque à la fin qu’il en reste une partie qui n’a donc pas été consommée.

Donc, à chaque fois qu’on se rend compte qu’il y a ces restes financiers, on les verse dans l’enveloppe allouée à ce nouveau programme qui couvre la période de 2009 à 2014.» A une question sur combien de «restes» financiers le gouvernement a-t-il collecté après avoir finalisé l’exécution de l’ensemble des projets qu’il avait programmés sur les années précédentes, le ministre n’avait pas de montant précis et a reconnu qu’aucune comptabilité n’a été encore dressée définitivement.

«A chaque fois, on fait nos calculs,» a-t-il indiqué. Interrogé sur l’éventualité de l’entrée en vigueur de la loi budgétaire, ce texte censé constituer un instrument législatif de contrôle des dépenses effectuées par le gouvernement, le ministre des Finances rétorquera que «la loi budgétaire ne changera rien à ce qui se fait actuellement. Elle nous permettra seulement d’aligner des statistiques au niveau de chaque secteur.»

Une telle loi, si beaucoup lui prêtent ainsi la vertu d’être un moyen efficace pour exiger des comptes «sonnants et trébuchants» du gouvernement, ne servira en fait qu’à dresser une comptabilité sous forme de nombreux chiffres, sans pour autant expliquer la manière dont ont été utilisés les deniers de l’Etat.

D’ailleurs, le ministre reconnaîtra que dès que la loi entrera en vigueur, «on aura un rattrapage à faire en comptabilité sur une période de près de 30 ans, puisque la loi en question n’a pas servi depuis les années 80».

(Depuis 1972, disent les experts.) Djoudi avouera que «ce sera une masse de chiffres alignés, pas plus».

LES ABONNÉS VEULENT LEURS PARTS

Sa présence à la journée de l’Europe poussera les journalistes à lui demander sur ce que l’Algérie compte faire le 15 juin prochain, date de la tenue du 5e conseil de l’accord d’association. Djoudi affirmera qu’il sera question «pour nous d’exiger de revoir plusieurs points parce qu’on s’est rendu compte qu’on perdait beaucoup et qu’au retour on ne gagnait rien du tout des Européens.»

S’il estime qu’une perte sèche en fiscalité douanière de 2,2 milliards de dollars depuis l’entrée en vigueur de l’accord d’association avec l’Union européenne, c’est-à-dire depuis le 1er septembre 2005, devrait peut-être être nécessaire «pour retrouver ses marques et enclencher un véritable partenariat avec les Européens», il avoue par ailleurs que «les Européens ne nous aident pas du tout pour asseoir ce partenariat.

Nous n’avons pas d’aide de leur part, ni en matière de management, ni en matière de savoir-faire ou d’expertise.

Nous devons absolument revoir l’accord.» La clause de rendezvous que l’accord prévoit entre les deux parties, après 5 années de sa mise en œuvre, sera, souligne le ministre des Finances, l’occasion pour l’Algérie de négocier en premier un partenariat plus approprié pour les produits agricoles. Le ministre des Postes et Télécommunications n’a pas échappé aux questions des journalistes.

A l’évidence, c’est la cession ou pas de Djezzy qui accaparera le gros de la discussion. «S’il y a vente de Djezzy, c’est l’Etat qui fera valoir son droit de préemption en l’achetant le premier…», répétera-til.

Mohamed Bessalah a fait entendre que l’Etat ne compte pas du tout garder Djezzy mais juste l’acheter pour le revendre à d’autres partenaires. Dans le cas contraire, l’Etat ne ferait que s’encombrer d’une entreprise qui a et reste très florissante financièrement malgré les dernières péripéties qu’elle a vécues. C’est d’ailleurs ce que soutiennent certains de ses responsables qui étaient eux aussi présents à la journée de l’Europe.

« Il est vrai qu’il y a eu des abonnés qui ont changé d’opérateurs à la fin de l’année écoulée, mais il faut savoir que beaucoup sont revenus parce que l’entreprise offre une bonne qualité de service», nous a dit l’un d’entre eux. Le ministre des TIC, lui, dira autre chose, que OTA est en faillite et que son propriétaire voudrait la sauver par la cession. Mais «rien n’est sûr pour l’instant, on attend,» a-t-il lâché en dernier.

L’on apprend de bouche à oreille que si l’Etat doit acheter l’entreprise, il accordera 25% des parts de son capital au club des abonnés qui vient juste de se constituer. L’on apprend cependant par d’autres sources proches de la présidence de la République que l’acquéreur est déjà choisi. Tout le reste ne serait ainsi que de la pure spéculation…

EN ATTENDANT LE 15 JUIN

L’ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne en Algérie, avait à l’ouverture de la cérémonie précisé que «la mise en œuvre de l’accord d’association se déroule normalement.»

Ainsi, a-telle fait savoir que «la préparation du 5e Conseil d’association regroupant les ministres des Affaires étrangères des deux parties, prévu pour juin prochain, avance bien et les réunions de hauts fonctionnaires au niveau des divers comités ad hoc et groupes de travail sectoriels se tiennent régulièrement avec des agendas bien remplis.»

Elle expliquera que «le Conseil d’association, qui est la plus haute instance de l’Accord d’association, examinera toute question importante concernant nos relations, ainsi que les questions internationales d’intérêt commun.»

A propos des crises économiques qui secouent de nombreux pays européens, Laura Baeza a affirmé que «j’aimerais vous rappeler que l’UE a toujours su tirer les leçons des crises qu’elle a traversées.» Elle estime ainsi que «les crises ont renforcé l’Union et lui ont permis de mieux se relancer.»

L’ambassadeur tient à rassurer par un «je ne suis pas inquiète outre mesure de toutes les spéculations actuelles sur l’avenir de l’UE.» Elle est persuadée que «le projet européen n’est pas basé sur un simple regroupement d’intérêts mais il répond à la volonté de ses Etats membres de bâtir ensemble leur avenir commun autour de valeurs partagées.»

Ghania Oukazi