ORAN – L’adaptation d’oeuvres littéraires dans le cinéma algérien reste très limitée, a-t-on relevé lors des débats de la première journée du Colloque International « Roman et Cinéma » ouvert jeudi à Oran et dédié à la romancière Assia Djebbar.
Pour Rachid Kouard, de l’université d’Alger, « même si les relations entre roman et cinéma sont très étroites, l’adaptation d’oeuvres littéraires dans le cinéma algérien reste toutefois très limitée en comparaison avec le nombre extraordinaire de romans algériens édités depuis l’indépendance du pays ».
Seuls quelques romans algériens ont été adaptés au grand écran, a-t-il fait remarquer, tout en déplorant l’inexistence d’une industrie cinématographique en Algérie. Les raisons, a-t-il avancé, « sont en relation avec la langue et des considérations idéologiques, culturels, économiques, voire même politiques ».
« Exceptées quelques oeuvres dont +L’opium et le Bâton+ et +Le vent du sud+, il y a peu d’adaptation de romans algériens au cinéma », a estimé, pour sa part, le critique cinématographique, Mohamed Cherki.
« Des adaptations de romans de Yasmina Khadra et d’autres écrivains algériens se font à l’étranger, car il n’y a pas d’industrie cinématographique en Algérie », a-t-il soutenu. « Les romans de Rachid Boudjedra, Wassini Laredj, Amine Zaoui et bien avant Mohamed Dib, Mouloud Feraoun et tant d’autres plumes algériennes ne sont-ils pas adaptables au grand écran ? », s’est-il interrogé déclarant que « des tabous n’ont pu être brisés encore dans notre pays, surtout en ce qui concerne des oeuvres littéraires trop osées ou trop libres ».
Le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, avait appelé, — à l’ouverture jeudi des travaux du colloque « Cinéma et roman », organisé au théâtre régional d’Oran, dans le cadre de la 8ème édition du Festival international d’Oran du film arabe (FIOFA)–, les cinéastes à se pencher sur les romans algériens pour les adapter à l’écran, tout en mettant en exergue la relation dialectique et continue entre roman et cinéma.
« Le cinéma prend sous son aile la littérature et la transforme en oeuvre cinématographique », avait-t-il signalé, en ajoutant qu’on arrive parfois au concept de « roman cinématographique ». Le romancier irakien Mouflih Eloudwane s’est intéressé, quant à lui, aux relations du cinéma et du roman à la mythologie urbaine, qui représente le point de convergence de plusieurs cultures.
De son côté, Habib Mounsi, de l’université de Sidi Bel-Abbes, a diagnostiqué les mécanismes de transformation d’un texte littéraire en oeuvre cinématographique, notamment en ce qui concerne la narration, la description, les personnages, les intentions du romancier et celles du réalisateur, ainsi que les difficultés qui apparaissent en cours de route.
Le roman « ligote » parfois le réalisateur, notamment en ce qui concerne les questions du temps et de l’espace, a-t-il soutenu, estimant que « le meilleur film est celui basé sur une histoire courte ou nouvelle, bien que le metteur en scène ne respecte souvent ni l’un ni l’autre, mais possède ses propres vues sur l’histoire qu’il construit parfois en cours du tournage ».
L’enseignant Hamadi Kiroum, de l’université de Casablanca, a estimé, quant à lui, que la problématique de l’adaptation cinématographique n’est plus liée, comme par le passé, par les questions de fidélité ou trahison du texte original, en l’occurrence le roman.
« Il n’y a pas de correspondance sémiotique entre le roman et le film et l’adaptation devient donc un travail de diagnostic qui tend vers la création du sens, sachant que le texte original possède une mémoire interne spécifique ».
L’adaptation consiste en une « déconstruction du texte original et sa reconstruction, ou redistribution, dans une autre forme, après un processus de décodage et de réencodage », a-t-il expliqué.
Par ailleurs, la question palestinienne, le roman et le cinéma ont eu tout l’intérêt de l’auditoire. Tout en reconnaissant l’inexistence de films adaptés de romans palestiniens pouvant répondre à la propagande sioniste dans le cinéma mondial, le conférencier palestinien Jihad Ahmed Salah a estimé que le cinéma palestinien peut prendre en charge le côté humain de la souffrance du peuple palestinien sous le joug sioniste, affirmant que « le cinéma est le seul art qui peut réunir et rejoindre
en un seul écran plusieurs cultures différentes et décrire la réalité du combat des palestiniens ». Notant que la question palestinienne « est l’affaire de tous les arabes », le conférencier Jihas Ahmed Salah a souligné que les cinéastes arabes, avec la contribution de nombre de palestiniens, « ont beaucoup contribué à la construction d’un axe de défense antisioniste depuis 1948. »
Pour des intervenants, « on ne peut parler de cinéma palestinien, mais plutôt de cinéma sur la question palestinienne qui est prise en charge par toute la communauté arabe ».