Ce qui était au départ un incident militaire isolé s’est mué en brasier diplomatique. Quelques jours après l’annonce par l’ANP de la destruction d’un drone armé ayant « violé l’espace aérien de l’Algérie », Bamako riposte fermement, accompagné de ses alliés du Niger et du Burkina Faso. L’Alliance des États du Sahel (AES) parle désormais d’« agression préméditée » et rappelle ses ambassadeurs en poste à Alger, faisant entrer la région dans une phase de tension ouverte. Le drone TZ-98D, au cœur de cette affaire, devient aujourd’hui le symbole d’un face-à-face tendu entre deux visions sécuritaires et politiques.
Alors que les opinions publiques s’interrogent encore sur la véracité des versions opposées, un nouveau chapitre s’ouvre, celui de la confrontation diplomatique. Le gouvernement malien, dirigé par une junte militaire, ne se contente plus de protester. Il passe à l’offensive sur la scène internationale, accusant l’Algérie d’avoir délibérément visé un appareil en mission antiterroriste… sur son propre territoire.
L’AES se dresse contre l’Algérie : rappel collectif des ambassadeurs et communiqué commun sur l’affaire du drone militaire
Dimanche 6 avril, Bamako, Niamey et Ouagadougou ont fait front uni : « Le collège des chefs d’États de l’AES décide de rappeler pour consultations les ambassadeurs des États membres accrédités à Alger », peut-on lire dans un communiqué conjoint. En effet, cette mesure, symbolique mais significative, marque une rupture nette avec la diplomatie traditionnelle entre les trois pays sahéliens et l’Algérie.
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En outre, ce geste, rarement pratiqué dans les relations interétatiques africaines, témoigne de la gravité perçue de l’incident. Le drone, abattu dans la nuit du 31 mars au 1er avril par les forces algériennes selon leur propre communiqué, devient un catalyseur de désaccords plus profonds entre Alger et les régimes militaires du Sahel, aujourd’hui unis sous l’étendard de l’AES.
Drone armé abattu : l’enquête malienne affirme une « action hostile préméditée » du régime algérien
Dans un communiqué officiel publié le 6 avril, les autorités maliennes affirment que le drone TZ-98D « s’est écrasé sur le territoire national, à Tinzawatène, dans la région de Kidal ». Précisément à 9,5 km au sud de la frontière algérienne. De plus, le document avance des coordonnées GPS détaillées. Censées démontrer que l’aéronef n’a jamais quitté l’espace aérien malien.
« La distance entre le point de rupture de liaison avec l’appareil et le lieu de localisation de l’épave est de 441 mètres. Ces deux points sont tous situés sur le territoire national ». Insiste le texte qui suggère que le crash vertical du drone ne puisse s’expliquer que par des tirs de missiles, de type Sol-Air ou Air-Air.
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En outre, à travers une série d’arguments techniques et politiques, Bamako dénonce un acte délibéré. Estimant que « le silence coupable du régime algérien et son refus de coopérer confirment sa responsabilité dans la destruction du drone ». Et de conclure : « Cette agression contraste avec le soutien historique du Mali au FLN lors de la guerre d’indépendance algérienne. »
Rupture militaire : Bamako quitte le CEMOC et menace d’une action en justice internationale
Mais la crise ne s’arrête pas à la sphère diplomatique ! Le Mali a par ailleurs annoncé son retrait immédiat du Comité d’État-Major Conjoint (CEMOC). Une instance de coordination militaire régionale basée à Tamanrasset et pilotée par l’Algérie. Censée renforcer la lutte commune contre les groupes armés.
Par ailleurs, dans le même communiqué, le gouvernement malien indique également son intention de porter plainte contre l’Algérie devant les instances internationales pour « actes d’agression ». Signalant une volonté de faire de l’affaire un contentieux juridique d’envergure.
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En effet, ces décisions s’inscrivent dans un contexte de recentrage stratégique du Mali et de ses alliés du Sahel autour de l’AES. Structure née de la rupture avec la CEDEAO et du rejet de l’influence occidentale dans la région.
Que s’est-il réellement passé cette nuit-là ? Deux récits, une guerre des faits
D’un côté, l’Algérie affirme avoir détecté une violation de son espace aérien à hauteur de 2 kilomètres. Justifiant ainsi la neutralisation de l’engin. De l’autre, Bamako soutient que le drone était en mission de surveillance d’un groupe terroriste de haut profil lorsqu’il a été visé « sans sommation ». Ainsi, la question centrale devient géographique ! Si le drone avait pénétré en territoire algérien de 2 km. Pourquoi l’épave se trouverait-elle 9,5 km au sud de la frontière ?
Cependant, l’absence d’une enquête internationale indépendante et l’impossibilité de vérifier de manière neutre les données satellitaires ou radar rendent pour l’instant tout arbitrage difficile. En attendant, chacun campe sur sa version, et le doute alimente les tensions.
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En effet, l’incident du drone pourrait bien n’être que la partie émergée d’un iceberg de rivalités croissantes. Alger, qui continue de défendre un dialogue politique inclusif au Sahel. Se heurte à des régimes militaires qui prônent une souveraineté « sans tutelle étrangère ». De plus, ce désaccord de fond sur la sécurité régionale, les alliances militaires et la gouvernance politique alimente un climat de suspicion. Qui dépasse largement l’événement du 1er avril.
En somme, dans les coulisses, certains analystes redoutent une escalade, surtout si l’affaire devait s’étendre sur le terrain économique ou sécuritaire. D’autres y voient une tentative de repositionnement stratégique des pays de l’AES. En quête d’un nouvel équilibre régional dans un contexte international en recomposition.