Les interrogatoires de fond des inculpés de l’affaire Sonatrach seront entamés, la première semaine du mois de juin, par le juge d’instruction de la huitième chambre du pôle judiciaire économique.
C’est la plus importante phase de l’instruction, durant laquelle le juge posera des questions précises aux prévenus après avoir écouté tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par ce dossier.
Il faut savoir que l’interrogatoire de fond est différent des auditions. Le premier cas de figure concerne les accusés et le deuxième les témoins et les victimes. Ce retard, mis dans l’enclenchement des interrogatoires, après plus de quatre mois de détention pour certains inculpés, est lié à la complexité du dossier.
À la fin de cette phase, l’affaire Sonatrach aura atteint sa vitesse de croisière.
Une première comparution devant le juge a déjà eu lieu, durant laquelle, il a été notifié aux prévenus les chefs d’inculpation. Ces derniers, une quinzaine au total, sont poursuivis des chefs d’association de malfaiteurs, blanchiment d’argent, passation de marchés contraire à la réglementation en vigueur, corruption, trafic d’influence, détournement et dilapidation de deniers publics…
Certains ont été placés sous mandat de dépôt, tels que les fils de l’ancien P-DG de Sonatrach, lui-même sous contrôle judiciaire, d’autres inculpés sont interdits d’exercer leurs fonctions.
Le juge d’instruction du pôle économique a préféré entendre tous les témoins et les concernés par cette affaire avant d’entamer les interrogatoires de fond, durant lesquels, il s’attardera certainement sur les marchés passés par l’entreprise notamment avec le groupe Contel Holding, une SPA spécialisée dans la télésurveillance et dont le fils de l’ex-P-DG de Sonatrach est l’un des actionnaires, et le dossier Saipem.
La société italienne Saipem Contracting a connu une ascension fulgurante, ces dernières années, en matière de parts de marché, devenant un partenaire important dans le secteur des hydrocarbures en Algérie, loin devant Haliburton ou Schlumberger, ou encore Anadarko. Même si Saipem dispose depuis longtemps d’une base logistique à Hassi-Messaoud, elle n’a créé sa filiale algérienne, qu’en 2005.
Des expertises judiciaires ordonnées par le juge
L’ex-P-DG de Sonatrach a soutenu devant le juge pendant une première comparution qu’il n’a rien entrepris sans consultation du ministre de l’Énergie et des Mines.
Documents présentés à la justice à l’appui, il affirme que les procédures légales ont été respectées, que les marchés ont été passés dans le strict respect de le réglementation en vigueur en se conformant aux procédures habituelles sans avantager une société au détriment de l’autre.
Il précise que le ministre l’a pressé d’installer les équipements de télésurveillance, d’où le recours de marché de gré à gré.
Le projet est confié à un bureau d’études dont son fils est associé, ainsi qu’au bureau d’études appartenant au fils d’un ancien P-DG du CPA, en sa qualité de représentant d’une entreprise allemande spécialisée dans les équipements de sécurité. Ce qui constitue une violation flagrante du code des marchés publics, qui interdit au responsable d’une entité publique de contracter un marché avec un proche direct.
Le juge considère qu’il y a suspicion, d’autant que les prix facturés lui semblent démesurés.
Des expertises ont été ordonnées, pour lui permettre de voir plus clair et de comparer les prix proposés sur le marché international. À la lumière de ces appréciations et avis d’experts, et les différentes déclarations des inculpés pendant les interrogatoires de fond, il pourra confronter ces derniers entre eux et en tirer les versions contradictoires. Il faut savoir qu’à l’issue des interrogatoires de fond, la défense pourra introduire, à nouveau des demandes de liberté provisoire.
Nissa Hammadi