Lahcène Chiba est une figure connue du théâtre à Batna. Acteur et metteur en scène, il est également enseignant du théâtre à l’université de Batna.
Lahcène Chiba a foulé pour la première fois les planches du théâtre en 1985 dans une pièce intitulée « Bab Erray » ; il a collaboré depuis avec presque tous les metteurs en scène qui se sont succédé sur le théâtre régional de Batna : Azeddine Madjoubi , Fouzia Aït lhadj , Omar Fatmouche et autres .
Après avoir fait ses preuves en tant qu’acteur, Lahcène Chiba se tourne vers la mise en scène et réalise sa première pièce « Le jeu de la mort » en 1994, il a depuis remporté de nombreux prix en Algérie et à l’étranger.
A l’occasion de cette 8e édition du théâtre national du théâtre amazigh, Lahcène Chiba a présenté « Ḥalazoum », une pièce qui a remporté le prix de la meilleure musique.
Un pamphlet contre les imposteurs
Dans cette pièce, il y avait deux histoires distinctes, la première est inspirée d’un texte du Syrien Talal Nasreddine. L’histoire relate une rencontre entre deux personnages dans un endroit dont ils vont disputer la nature, pour le premier ; il s’agit d’un cimetière et pour le deuxième une décharge. Après une longue joute verbale, les deux personnages finissent par tomber d’accord lorsqu’ils découvrent que le premier n’est rien d’autre que le fils du premier.
Dans la deuxième histoire, Lahcène Chiba a eu recours au procédé esthétique de la distanciation propre au théâtre de Brecht. Un jeune homme ouvre la pièce en défilant avec la pancarte sur laquelle est écrit cette formule subversive : « Pouvoir Assassin ! », et un policier sillonne la salle tout au long de la pièce. Ce sont là des techniques bien Brechtiennes. Nous avons posé la question à Lahcène Chiba. Réponse du concerné : « C’est effectivement du théâtre dans le théâtre, c’est la technique de Brecht, le policier qui rôde dans la salle représente la censure, l’usage des masques s’inscrit d’ailleurs dans la même démarche : dire au public que c’est du théâtre dans le théâtre et lui rappeler tout le temps que nous ne faisons que jouer un spectacle, cela permet au spectateur un détachement critique vis-à-vis de la pièce, parce que le rôle du théâtre est avant tout d’inciter les gens à réfléchir ».
Pour Lahcène Chiba, l’élite algérienne est en déphasage complet par rapport à la société, elle vit dans des tours d’ivoire laissant la société entre les mains de tous les manipulateurs. « J’ai brisé le 4e mur au dernier acte exprès, poursuit-il, pour dénoncer ces imposteurs qui deviennent aujourd’hui des leaders d’opinion ».
Pour lui la pièce est faite « pour être jouée dans « tarhath » ou « anner » (aire de battage) ». « C’est la raison pour laquelle j’ai utilisé les instruments traditionnels de musique comme la gasba et le bendir », nous explique-t-il.
Le théâtre amazigh tributaire de la volonté politique
Nous avons posé la question à Lahcène Chiba à propos de la défection de nombreux théâtres régionaux dans ce festival du théâtre amazigh. Il estime que l’austérité n’y est pas pour grand-chose, l’absence des autres théâtres régionaux est plutôt à mettre sur le dos du manque de la volonté politique. « Lorsqu’on a voulu que les théâtres régionaux participentà la manifestation Constantine capitale de la Culture arab, ils ont tous participé, si les responsables de la culture jugaient nécessaire la participation de tous les théâtres régionaux à ce festival avec des pièces en tamazight, ils l’auraient imposé tout simplement », conclue-t-il .