Pour lutter contre l’érosion de ses réserves de changes, Alger travaille sur une « liste noire » interdisant jusqu’à 2.000 produits à l’importation. Une décision radicale et préjudiciable à la France qui semble toutefois difficile à éviter.
Est-ce que les Algériens seront bientôt privés de de pommes golden du Limousin, de camembert et de rouge à lèvres « made in France »? La possibilité n’est pas à exclure. Le gouvernement du Premier ministre Abdelmalek Sellal travaille ainsi sur une « liste noire » qui interdirait l’importation de 1.700 à 2.000 marchandises, rapporte le quotidien algérien El Watan.
Le contenu même de la liste est pour le moment inconnu. El Watan précise d’ailleurs qu’une étude d’impact va être menée pour savoir si cette mesure va faire plus de bien que de mal à l’économie algérienne.
Évidemment l’enjeu n’est pas anodin pour les entreprises tricolores. En effet, la France est le deuxième partenaire commercial de l’Algérie (après la Chine) avec des exportations autour des 7 milliards d’euros par an.
Ne pas mettre tous les produits dans le même panier
« Ce qui nuirait réellement à l’Algérie c’est qu’elle continue d’acheter des produits dont elle n’a pas besoin et finisse par se retrouver en cessation de paiement. Personne, y compris les entreprises françaises, n’auraient alors à y gagner », fait valoir un patron franco-algérien d’une PME d’import-export entre les deux pays.
Ce chef d’entreprise « comprend l’État algérien ». « Il ne peut plus importer ce qu’il importait autrefois. S’il ne veut pas se mettre sous la coupe du FMI il semble indispensable de limiter les importations pour sauvegarder le minimum de l’économie algérienne en état de fonctionner « , poursuit-il. « Mais il ne faut pas que le remède tue le cheval. J’aimerais ainsi avoir les détails de cette liste. S’il s’agit de produits qui sont nécessaires à l’appareil productif, comme les pièces détachées, c’est une mauvaise idée », prévient ce patron de PME.
Des réserves de change qui ont fondu
« En revanche il y a tout un ensemble de marchandises non nécessaires ou qui sont déjà produites en Algérie qui sont importés (fruits, légumes, produits cosmétiques). Là-dessus on peut prendre le taureau par les cornes et instaurer un moratoire temporaire le temps que les cours du pétrole remontent », conclut-il.
C’est là le vrai problème de l’Algérie. Avec la chute des cours de l’or noir, la balance commerciale du pays s’est effondrée et son stock de devises a fondu comme neige au soleil. « Les réserves de change ont baissé de 30% en deux ans, ce qui est dû à la baisse des prix du pétrole », confirme ainsi Régis Galland, économiste chez Société Générale en charge du bassin méditerranéen. Pas étonnant puisque « les exportations d’hydrocarbures représentent pas moins de 98% des exportations totales », rappelle-t-il.
Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a affirmé que ces réserves devraient s’établir à 116 milliards de dollars d’ici à la fin 2016 quand elles étaient de près de 180 milliards en 2014. Le chef du gouvernement algérien a promis que ces réserves ne passeraient pas sous la barre des 100 milliards d’ici à 2019. Un objectif apparemment compliqué. « Le chiffre de 100 milliards de dollars de réserves de change a été donné pour montrer que la situation est gérable. Savoir si ce plancher est tenable ou pas est impossible à vérifier », estime Régis Galland.