L’ancien patron des services, le général de corps d’armée à la retraite, Mohamed Mediene, dit Toufik, n’a pas été invité à témoigner au procès du général Hassan à Mers El Kebir, il vient de le faire par voie de presse.
Tout comme l’ancien ministre de la défense et ex-chef d’état-major, Khaled Nezzar, l’ancien chef du DRS pendant un quart de siècle conteste, sur le fond, une décision de justice et le dossier à charge constitué contre son ancien subordonné.
On n’en connaît pas davantage sur l’affaire qui vaut au général Hassan cinq ans de prison mais son supérieur hiérarchique qui n’a pas été cité comme témoin nie toute « infraction aux consignes générales » qui est l’un des deux chefs d’accusation.
Selon lui, le général Hassan « a traité ce dossier dans le respect des normes et en rendant compte aux moments opportuns … Il a géré ce dossier dans les règles, en respectant le code de travail et les spécificités qui exigent un enchaînement opérationnel vivement recommandé dans le cas d’espèce. »
Le général Toufik qui se dit « consterné par l’annonce du verdict prononcé par le tribunal militaire d’Oran à l’encontre du général Hassan » explique qu’il intervient de manière publique « après avoir usé de toutes les voies réglementaires et officielles.
Une affaire de droit ?
Le général Hassan a-t-il bénéficié d’un procès juste? Ses avocats le contestent. Le verdict a donné lieu à des commentaires véhéments de Louisa Hanoune qui jouit de l’immunité parlementaire mais aussi de Ali Benflis.
Mais ce qui a retenu l’attention a été la charge du général Khaled Nezzar contre le verdict. Le général Toufik dit la même chose sur un ton moins dur mais avec la qualité du supérieur hiérarchique qui conteste de manière directe l’accusation et le verdict.
Théoriquement, on peut commenter techniquement une décision de justice, c’est ce que font les enseignants et les étudiants en droit. Mais en règle générale, même dans des pays où l’Etat de droit est une réalité, les décisions de justice se contestent dans les prétoires et non dans les médias.
En Algérie, l’article 147 du code pénal prévoit des peines de 3 à 12 mois de prison et une amende de 500.000 DA à 2.500.000 DA « les actes, paroles ou écrits publics qui tendent à jeter un discrédit sur les décisions juridictionnelles et qui sont de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou de son indépendance ».
Théoriquement, avec Khaled Nezzar et Mohamed Médiene, on est dans ce cas de figure. Et le même code pénal précise que dans ce cas les « poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère ».
Un bras de fer politique
Mais tout le monde pressent que ce n’est pas une affaire de droit mais un bras de fer politique dur à l’intérieur du régime dans un 4ème mandat de Bouteflika qui prend un tour surréaliste avec un aggravation du règne de l’informel.
Le général Toufik qui a fait un éloge à double tranchant aux médias qui ont traité selon lui de l’affaire Hassan avec « beaucoup d’à-propos, malgré l’absence d’éléments d’appréciation officiels » dit espérer que son « intrusion médiatique, même si elle constitue un précédent, ne suscite pas de commentaires qui risquent de la dévoyer et de la détourner du but recherché. »
Son vœu a peu de chance d’être exaucé. Le général Toufik a été le chef d’orchestre d’un système où la justice a servi des objectifs politiques et où les commentaires des opposants ont fait systématiquement l’objet de commentaires visant à les « dévoyer » et à les « détourner du but recherché ».
A moins d’être amnésique, les affaires ne manquent pas. Le traitement délirant de haine réservé à ce qui ont osé signé la plateforme du contrat national reste un cas exemplaire.
La règle d’airain
On n’est pas en mesure de juger de l’innocence ou de la culpabilité du général Hassan mais on peut observer qu’on lui applique la règle d’airain du système qui a su écraser, par la machine judiciaire, les opposants et les récalcitrants. Ou les branches affaiblies des clans du système.
On est dans la « règle ». C’est vrai que M.Médiene connaît bien la maison. Mais cela ne change rien au fond.
« Il y a un problème dans la « maison Algérie », a écrit le général Nezzar dans son commentaire sur le verdict. Ce n’est pas tout à fait vrai. La vrai constat et il remonte à des décennies est que « l’Algérie a un grand et grave problème avec la maison du pouvoir ».
Et cette Algérie-là est peut-être inquiète des effets collatéraux possibles des ces déchirements et ces haines dans cette maison qui débordent sur la voie publique. Mais cette Algérie-là ne se sent pas obligée de s’y impliquer.
Car le problème n’est plus dans un ou quelques membres de la « maison du pouvoir ». Le problème est dans cette « maison » qui entrave depuis des décennies l’élan de l’Algérie, l’empêche d’aller vers l’Etat de droit, la démocratie, le droit des citoyens à faire et défaire les gouvernements, la reddition des comptes de ceux qui exercent des responsabilités…