L’Algérie exporte 45 000 T de ce produit vers l’Inde : une cargaison rare qui en dit long…

L’Algérie exporte 45 000 T de ce produit vers l’Inde : une cargaison rare qui en dit long…

Dans un marché mondial des engrais secoué par les politiques protectionnistes et les fluctuations de la demande, l’Algérie opère un virage inattendu, mais lourd de sens. Pour la première fois depuis décembre 2023, une cargaison d’urée algérienne prend la direction de l’Inde. Un changement de route inhabituel qui en dit long sur l’évolution des priorités commerciales d’Alger dans un secteur aussi stratégique que celui des engrais azotés.

Cette décision intervient alors que les tensions tarifaires avec les États-Unis montent d’un cran et que les marchés européens et brésilien peinent à offrir des débouchés stables et rentables. À travers cette manœuvre logistique, l’Algérie cherche avant tout à sécuriser ses revenus et diversifier ses partenaires dans un contexte international de plus en plus imprévisible.

Exportations algériennes d’urée — Source : World Fertilizer Market

Un détour par l’Est : cap sur l’Inde pour 45 000 tonnes d’urée algérienne

Le 8 avril 2025, la société suisse Ameropa a été mandatée pour charger 45 000 tonnes d’urée granulée produite en Algérie à destination de l’Inde. Dans le cadre d’un appel d’offres lancé par la société Indian Potash Limited (IPL). Cette cargaison sera transportée par le navire Spar Taurus, en route vers la côte est indienne.

Cette opération marque un retour timide mais significatif de l’urée algérienne sur le marché indien. Après plus d’un an d’absence. À première vue, ce redéploiement semble répondre à des logiques commerciales. Mais en coulisses, ce sont surtout les conséquences de la politique tarifaire américaine qui ont précipité ce réalignement géographique.

Le marché américain se ferme : l’ombre des tarifs douaniers

Depuis le 2 avril 2025, les États-Unis ont imposé une taxe provisoire de 30 % sur les importations algériennes. Une mesure à laquelle s’ajoute une période transitoire de 90 jours, accordée à partir du 9 avril. Résultat ? Une incertitude pesante plane sur ce qui était jusqu’à récemment le deuxième plus gros débouché de l’urée algérienne, après le Brésil.

En 2024, l’Algérie avait exporté quelque 456 000 tonnes d’urée vers les États-Unis, un volume qui atteignait 590 000 tonnes l’année précédente. Cette nouvelle politique tarifaire met donc en péril un canal stratégique d’écoulement, incitant les acteurs algériens à explorer d’autres marchés, plus réactifs et moins contraints.

Pourquoi l’Inde ? Une combinaison de prix attractifs et de liquidité

Ce n’est pas un hasard si l’Inde a été choisie comme nouvelle destination. Le prix offert sur la côte indienne, 398,24 dollars la tonne (coût, assurance et fret inclus), se montre plus compétitif que ceux observés sur les marchés européen et brésilien à la même période. Ce tarif garantit une meilleure rentabilité et une trésorerie plus rapide, un critère déterminant dans un contexte de grande volatilité des prix.

Le navire de transport Spar Taurus — Source : Ship Spotting

Même si le marché américain reste potentiellement lucratif (avec des prix allant jusqu’à 470 dollars la tonne FOB selon les données du 23 avril), les incertitudes réglementaires pèsent lourd. À titre d’exemple, la société algérienne a également affrété le navire Vatra Nari pour une autre cargaison de 35 000 tonnes à destination des États-Unis depuis Arzew. Mais ce type d’opération devient de plus en plus risqué à mesure que l’environnement commercial se complexifie.

Face au repli européen et brésilien, l’Asie attire les producteurs maghrébins

Ce recentrage sur l’Asie ne concerne pas uniquement l’Algérie. L’Égypte, autre grand acteur régional dans le domaine de l’urée, réoriente également ses exportations. La société égyptienne Mopco a récemment vendu 30 000 tonnes d’urée à 395 dollars la tonne, probablement à destination des États-Unis. De son côté, Abu Qir Fertilizers a expédié plusieurs cargaisons vers l’Europe et l’Inde, à des prix oscillant entre 340 et 362 dollars la tonne, en fonction des termes du contrat.

L’effritement de la demande européenne et la frilosité persistante du marché brésilien poussent ainsi l’ensemble des producteurs nord-africains à revoir leur stratégie. Les appels d’offres indiens, nombreux et bien valorisés, offrent une bouffée d’oxygène dans un marché devenu particulièrement nerveux.

Camion de marchandises devant un bâtiment de la société Helwan Fertilizers — Source : site officiel de l’entreprise

L’Algérie face à ses choix logistiques et géopolitiques

Grâce à sa proximité avec les côtes américaines (un temps de navigation estimé entre 20 et 24 jours selon les ports), l’Algérie garde un atout compétitif important. Toutefois, elle ne peut ignorer les dynamiques de marché en mutation. La réallocation de cargaisons vers l’Asie pourrait ainsi devenir une tendance durable, surtout si les tensions commerciales avec Washington se prolongent.

Cette nouvelle route vers l’Inde marque-t-elle le début d’un réalignement durable de la stratégie algérienne d’exportation d’urée ? Trop tôt pour le dire. Mais elle démontre une chose ! L’Algérie entend garder une certaine souplesse dans un jeu mondial où les règles changent vite, et souvent sans prévenir…