Une douzaine de familles new-yorkaises a obtenu 12 millions de dollars après le décès, dans les années 1990, d’enfants contaminés par des déchets toxiques dans le quartier du Bronx, à New York. La ville ne reconnait toutefois aucune responsabilité.
Située au cœur d’un vaste espace vert bordant la baie verdoyante d’Eastchester, la décharge municipale pointée du doigt a reçu près de quatre millions de litres de déchets toxiques non-autorisés entre les années 1960 et 1970, selon les avocats des plaignants. En cause : des employés municipaux corrompus qui auraient, à l’époque, accepté de fermer les yeux contre des pots-de-vin.
Au fil des années, ce terrain vague était devenu l’aire de jeux favorite des enfants du quartier, qui aimaient s’y retrouver et s’y baigner. Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, trois d’entre eux sont morts de leucémies, neuf autres ont conservé d’importantes séquelles.
12 millions de dollars de compensations
Le 31 décembre 1978, la décharge stoppait son activité au terme d’un long combat mené par les habitants du quartier. Mais les familles des victimes veulent prouver que les déchets toxiques qui y auraient été épandus de manière illégale n’ont pas été détruits après la fermeture et que la maintenance du site laissait largement à désirer. C’est précisément ce laxisme qui aurait conduit à la contamination de l’air, des sols et des nappes phréatiques de la zone.
Pendant de nombreuses années, la ville était parvenue à faire trainer la procédure judiciaire, notamment en demandant par trois fois l’annulation du procès, mais l’étau semblait enfin se resserrer puisque le procès devait s’ouvrir en septembre prochain. Les familles n’auront finalement jamais l’occasion de s’exprimer devant un jury, la ville ayant annoncé le 9 août avoir trouvé un accord en cèdant 12 millions de dollars à répartir entre les familles.
Une véritable récompense « pour la détermination et les valeurs » qu’ont portées les familles des victimes, ont déclaré Me Korek et Me Ashley, leurs avocats. « Cet accord ne remplacera jamais leur perte mais il était largement temps de clore cette affaire », ont-ils également estimé, tout en saluant la décision de la ville.
Aucun coupable désigné
Mais après des années de bataille acharnée, cet accord a un goût amer pour certains. « Ce n’est absolument pas une victoire pour moi », a déclaré Patricia Nonnon, dont la petite fille, Kerri, est décédée des suites d’une leucémie à l’âge de 10 ans. Elle voit toutefois cette somme d’argent comme une preuve de la culpabilité de la ville, une preuve formelle qu’il existe bien un lien entre la décharge et les victimes, rapporte le « New York Times » qui s’est fait écho de cette affaire depuis ses prémices.
Selon le journal new-yorkais, les deux parties disposent de milliers de documents et de preuves scientifiques attestant de leurs versions respectives. D’un côté, l’épidémiologiste engagé par les familles des victimes assure, études à l’appui, que sur la période 1988-1996, le taux de personnes touchées par les nuisances de la décharge était quatre fois supérieur pour ceux vivants dans un rayon de 2 km que pour ceux se trouvant à 6 km.
De l’autre côté, la municipalité détiendrait les preuves de sa bonne foi. « La ville a géré cette décharge de façon légale et en adéquation avec les pratiques industrielles. Aucune substance ayant pu émaner de la décharge ne pouvait rendre malade », a-t-elle déclaré tout en prenant soin de ne pas minimiser les souffrances des plaignants, dont trois enfants sont décédés de façon « tragique ». Malgré la compensation financière qui va être versée aux familles, la municipalité ne reconnait aucune responsabilité. Il s’agirait simplement d’offrir une solution « dans l’intérêt de toutes les parties au regard d’un cas scientifique très complexe. »