Mercredi dernier, le tribunal correctionnel de Bir Mourad Raïs à Alger a ouvert le procès de Mohamed Bouakkaz, ancien conseiller à la Présidence chargé du protocole, poursuivi pour abus de fonction et enrichissement illicite. Incarcéré depuis le 11 octobre 2024 à la prison d’El Harrach, Bouakkaz clame son innocence et parle d’un « complot » contre lui.
Diplômé de l’ENA, originaire de Bourouba, Mohamed Bouakkaz a occupé des fonctions stratégiques pendant plus de dix ans. Il affirme avoir travaillé avec sérieux, notamment lors de l’organisation du Sommet de la Ligue arabe (2023) et du Sommet du gaz (2024). Mais en juin 2024, il est limogé par décret présidentiel pour « fautes graves », une décision suivie, quelques mois plus tard, par des poursuites judiciaires.
Des montres de luxe et des biens immobiliers au cœur du dossier
Selon l’enquête, Bouakkaz aurait reçu plusieurs montres Rolex d’une valeur de 5 millions de dinars chacune, qu’il aurait ensuite revendues. Interrogé à ce sujet, il affirme n’avoir jamais vu ces montres et conteste avoir signé le procès-verbal d’audition en toute connaissance de cause : « C’était à 4 heures du matin, je n’étais pas en état de comprendre ce que je signais. »
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L’autre volet du dossier concerne son patrimoine immobilier. L’ancien conseiller aurait acquis plusieurs appartements et un terrain entre 2012 et 2018. Il se défend en expliquant que ces biens ont été financés grâce à ses revenus de missions à l’étranger (entre 20 000 et 30 000 euros par an), ainsi que par l’aide de sa femme et de ses beaux-parents. Il insiste sur le fait que tout a été déclaré à l’administration et que l’ensemble est traçable.
Le juge a cependant soulevé des zones d’ombre, notamment l’utilisation de liquidités lors de l’achat de certains biens. Bouakkaz répond que la banque l’avait exigé pour constituer un dossier de crédit immobilier. Il admet également avoir remis une somme de 10 millions de dinars à un ami, mais précise que cet argent n’était pas caché : « C’était pour sa sécurité, pas pour dissimuler quoi que ce soit. »
Appelée à la barre, son épouse – en instance de divorce – affirme qu’elle ignorait tout des montres, et précise que les 10 millions remis à un tiers provenaient de ses parents, partis en pèlerinage. Les 29 700 dollars et 4 000 euros trouvés au domicile seraient, selon Bouakkaz, des économies de ses enfants, issues de dons familiaux. Une partie de ces devises viendrait également de la vente des bijoux de sa femme pour financer les études de leurs enfants à l’étranger.
Une procédure vivement contestée par la défense
Les avocats de Bouakkaz dénoncent un dossier bâclé. Me Chama pointe des contradictions dans les déclarations du principal témoin, Rouidjali, présenté d’abord comme lanceur d’alerte avant de se rétracter. Tandis que Me Benhabyles évoque une faille juridique : le mandat de dépôt ne figure pas dans l’ordonnance de renvoi. Me Allegue dénonce quant à lui une détention arbitraire prolongée sans fondement légal : « Il n’est poursuivi ni pour terrorisme, ni pour blanchiment. »
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Le procureur a requis 10 ans de prison ferme. La défense a plaidé la relaxe totale. Le verdict sera rendu le 23 avril.