L’Argentine en finale sans flamber

L’Argentine en finale sans flamber
Messi peut exulter : après 120 minutes d’ennui, d’une demi-finale hachée et jouée sur un faux rythme, les Argentins ont finalement décroché leur billet pour affronter l’Allemagne dimanche en finale, leur première depuis 1990. Une autre mauvaise soirée pour le peuple brésilien.

Quelle bataille ! Ou plutôt, quel ennui… Lors de cette demi-finale baignée d’une pluie froide, une longue partie d’échec s’est disputée entre deux ensembles frileux, trop conscients de ce qu’ils ont à perdre pour faire vraiment le nécessaire pour l’emporter. Argentine comme Pays-Bas ont refusé de se précipiter, ont attendu patiemment leur heure, au point de transformer ce match en un interminable prélude, où il est rapidement devenu évident que tout se déciderait sur un détail, sur une inspiration peut-être, de Messi ou de Robben. Ou sur une entrée de Tim Krul pour la séance de tirs au but. Mais Van Gaal avait cette fois fait ses trois changements. Le dernier à la 96e minute, quand Huntelaar a pris le relais d’un Van Persie à nouveau fantomatique. C’est donc une séance de tirs au but classique qui a décidé du nom du deuxième finaliste : avec un Romero en mode Goycochea 90, l’Argentine s’est qualifiée. Le gardien remplaçant de Monaco a arrêté le premier pénalty (mal) tiré par Vlaar, puis le troisième exécuté par Sneijder. Les Argentins, eux, n’ont rien manqué. Les voilà en finale de la Coupe du monde pour la première fois depuis 1990.

S’il s’agissait de boxe, les Argentins auraient été désignés vainqueurs aux points, mais il s’agit de football, et ils ont donc dû attendre plus de 120 minutes pour lever les bras. En première période, les Pays-Bas n’accrochent pas une seule fois le cadre. Les Argentins, eux, s’approchent davantage de la terre promise, notamment sur une tête plongeante frappée à bout portant par Garay qui s’envole au-dessus de la transversale (24e), ou sur ce centre de Lavezzi pour Higuaín qui s’apprête à descendre Cillessen, avant que ne s’interpose l’excellent Vlaar (36e), pas loin d’être le meilleur défenseur central de la compétition avec Hummels. Il y a aussi ce coup franc plein axe aux vingt mètres, tiré par Messi, mais sur lequel Cillessen n’a besoin que de se coucher gentiment (15e). La deuxième période est assez semblable dans son scénario au premier acte, même si Robben dispose d’une balle de match à la 89e. Mascherano accourt alors en pompier pour éteindre le feu. Relais de Sabella sur le terrain, El Jefecito s’était vu affecter la mission de prêter main forte à Rojo pour museler la fusée du Bayern. La clé, ou plutôt le verrou de ce match, se trouve là, dans la trop grande dépendance de chacune des sélections au talent d’un homme. Messi est, lui aussi, bien tenu. Quand il s’échappe du marquage de De Jong, garde du corps appliqué, mais sorti dès l’heure de jeu (remplacé par Clasie), Vlaar vient couper leBlaugrana dans son élan. Pour la défense des deux équipes, ce soir, elles étaient clairement émoussées physiquement.

La partie d’échec longue de 120 minutes oppose le 3-5-2 de Van Gaal, qui apporte davantage de garanties défensives qu’il ne multiplie les options offensives dans les couloirs, au 4-4-2 sans surprise de Sabella, où Enzo Pérez, élu meilleur joueur du championnat portugais, prend la place de Di María. Désigné responsable du plus grand fiasco de l’histoire du football néerlandais quand les Oranje ne s’étaient pas qualifiés pour le Mondial 2002, le Pélican a depuis amendé certaines de ses convictions, pour que le résultat qui l’avait condamné il y a plus d’une décennie le couronne cette fois. Le résultat et rien d’autre. Mais au terme d’une production qui a dû donner un ulcère à Johan Cruyff, le Pélican se retrouve le bec dans l’eau. S’il ne fascine pas le monde comme Van Gaal, Sabella gagne finalement la bataille face au mastermind hollandais, même s’il peut aussi remercier Romero, le héros inattendu de l’Argentine. Pendant ce match fermé, les dizaines de milliers de supporters argentins s’occupent notamment en chambrant les Brésiliens, en lançant des « siete, siete » (sept) et autres déclinaisons. Une fois les 90 minutes écoulées, la prolongation tourne au thriller, où chaque approche un tant soit peu convaincante de l’une des deux sélections fait frémir ses partisans. Palacio s’est bien trouvé en position d’abattre les Bataves, mais il était dit qu’aucun but ne serait marqué. Après le tir au but vainqueur de Maxi Rodríguez, entré en jeu à la place d’un percutant Lavezzi, les Argentins font résonner dans l’Arena Corinthians leur fameux hit : « Dis-moi que ressens-tu Brésil que Papa joue à la maison ? » Le 9 juillet, l’Argentine fête son indépendance. Cette nuit, elle célèbre aussi une délivrance.