L’artiste peintre Zaphira Yacef à propos de son exposition « Semences d’Amour »: “Je veux revenir au message originel de l’islam et du Prophète”

L’artiste peintre Zaphira Yacef à propos de son exposition « Semences d’Amour »:  “Je veux revenir au message originel de l’islam et du Prophète”

L’artiste peintre Zaphira Yacef présente, jusqu’à aujourd’hui à la basilique de Notre-Dame d’Afrique, l’exposition “Semences d’amour” ; une série de calligraphies composée des 99 noms d’Allah. Musiques spirituelles, contes et messages invitant à l’amour du prochain ont agrémenté la soirée du vernissage dans ce bel édifice où “christianisme et islam” étaient réunis. Dans cet entretien, la plasticienne explique le choix de ce lieu, son combat contre l’obscurantisme et le rôle de l’art dans la préservation de la mémoire collective.

Liberté : La basilique de Notre-Dame d’Afrique a abrité du 17 au 27 juin “Semences d’amour”, qui regroupe les 99 noms d’Allah. Que voulez-vous véhiculer à travers ces œuvres ?

Zaphira Yacef : Le message du Miséricordieux, le message du beau, de l’amour, de la paix. Je peux continuer ainsi jusqu’à l’infini. Elle représente surtout l’apport de l’islam à ce monde.

Vous aviez déjà présenté cette exposition en 2010. Pourquoi la refaire aujourd’hui ?

Le but était d’entrer dans la basilique et réunir les deux religions. C’est un rappel de la parole du Prophète Mohamed (QSSSL). Il ne faut pas oublier qu’il a trouvé refuge chez les chrétiens et les juifs. Par cette démarche, je veux revenir au message originel de l’islam et du Prophète. J’ai toujours vu et entendu des chrétiens sillonner le monde pour propager le christianisme leur bonté et leur tolérance. Nous, notre islam est en train de s’assombrir par ces faux musulmans, alors qu’il n’est que paix et beauté. Pourquoi alors ne pas entrer dans des basiliques et les églises. Pourquoi ne pas perpétuer ce message ? Pourquoi dire non, on n’entre pas dans une église ?

Votre démarche, au-delà qu’artistique, met en garde également contre le fanatisme religieux et les idées reçues sur l’islam…

Effectivement, on a tellement terni l’image de l’islam, que moi je viens avec ces noms divins afin de prouver qu’il n’est que beauté et couleurs. Ce n’est pas tuer, ce n’est pas haïr, c’est aimer. Je puise du Coran et je ne trouve que de belles choses. Ma mission est de dire qu’il est paix, lumière. On le sait, mais ces fanatiques l’ont tellement étouffé, tellement noirci qu’il faut revenir au message du Prophète qui était simple et clair.

Votre formation d’origine, l’architecture, et votre passion, la peinture, s’enchevêtrent-elles ?

Oui, bien sûr, il y a un lien, car il y a une construction dans les deux. On construit en architecture et en peinture. Je ne peins pas juste pour accrocher un tableau à la fin. Je veux évoquer des sujets importants, puisés pour la plupart du Coran, qui est ma feuille de route, et mon objectif, parce que la vérité est dedans. On revient toujours aux sources, donc je reviendrai un jour à l’architecture ; mais pour le moment, la peinture est un outil, un véhicule pour mes idées, mes émotions et mes réflexions

La fondation Zaphira-Yacef, qui a été créée en 2013, a pour mission “la promotion, à travers l’art, de l’histoire de la révolution algérienne”. L’art est-il devenu le seul rempart contre l’oubli de notre mémoire collective ?

On fait passer nos messages à travers la culture, les arts, la peinture, la musique. Il n’est pas le seul moyen, mais l’essentiel. Je pense qu’à travers la culture, on peut remuer le monde et préserver notre patrimoine.

En 2012, lorsque vous avez reçu le “Trophée de la réussite féminine” de la fondation France Euro-Méditerranée (FEM), vous avez déclaré que vous espériez que la “discrimination envers les femmes disparaisse”. Quel est votre constat avec un peu de recul ?

Un bond en avant est en train de se faire ; on va y arriver parce que de toute façon on revient à la matrice, au Miséricordieux.

On va le faire, et je le vois surtout ici en Algérie, car dans le reste du monde il y a quand même un certain progrès. Je vois des jeunes filles travailler tard le soir dans des salles des fêtes par exemple, c’est extraordinaire.

Je crois que c’est dû au changement de toute une société, parce qu’avec les avancées technologiques, c’est inévitable. Nous les femmes avons une place spéciale dans ce livre sacré, ce sont elles qui décident si l’humanité doit être folle ou saine, une vérité qui existe dans le Coran et qu’on a voulu étouffer.

Vous vivez entre Alger, Los Angeles et Paris. Comment perçoit-on votre art dans ces villes ?

À Los Angeles et Paris, les gens sont surpris de voir d’abord une femme, qui plus est musulmane. Quand ils découvrent ces deux éléments, ils sont surpris. Ils acceptent, mais avec beaucoup d’étonnement, parce que l’image de l’islam est ternie en Occident. Pour eux, c’est la burqa, la couleur noire, la femme opprimée qui n’a ni sa place ni le droit de parler. Tout ça est dû aux ignorants, c’est eux qui nous font barrière. Et puis de temps en temps, il y a des femmes qui émergent, qui essayent de donner une nouvelle vision de notre religion.

On s’étonne, mais je ne vois pas pourquoi, car on est capable de tout si on persévère pour nous faire notre propre place.

Farid Gabteni, un auteur et islamologue que vous évoquez souvent et qui dénonce l’ignorantisme, a-t-il eu un impact sur votre création artistique ?

Il se bat pour l’islam originel et pur, celui du Prophète, comme il était écrit, pas comme on veut nous l’imposer. C’est un génie qui a décodé le Coran, il a travaillé des années en lui donnant cette dimension scientifique. Il m’a inspirée par rapport au Livre saint, et j’ai été subjuguée.

Quand je lis son interprétation de la paix, je peux la peindre, quand on m’explique le Livre sacré de cette manière, quand on me dit qu’il est avec moi, pour les femmes, ça a fait que je m’émerveille devant sa découverte.