Le couvert est mis pour réunir, pour leurs retrouvailles annuelles, les trois parties prenantes pour ce qu’il a été convenu d’appeler “la tripartite”. À ce détail près que le rendez-vous s’il a été pris, on ne lui a pas encore fixé de date.
D’aucuns le souhaitent pour le 24 novembre pour sortir annoncer le nouveau SNMG aux milliers de travailleurs, à la veille de l’Aïd el-Fitr. Petit problème : une délégation du Medef français est annoncée pour la même période. Elle vient s’enquérir auprès de leurs homologues algériens des conséquences de la LFC 2009 mais encore plus rechercher avec eux d’autres voies de partenariat, autres que le commerce à sens unique. Et ensuite, le délai est jugé court pour les organisations patronales qui sont en conclave pour avancer leurs propositions et préparer les réponses aux points que le gouvernement souhaite mettre sur la table des négociations. La date des 2 et 3 décembre avait été retenue jusqu’à jeudi dernier. Elle vient d’être décalée de trois jours. Aux dernières indiscrétions recueillies hier auprès de certaines parties concernées et après recoupement, la tripartite aurait finalement lieu le 5 décembre prochain.
Les points à l’ordre du jour des uns et des autres
Par la voix du ministre du Travail et des Affaires sociales, représentant le gouvernement, les points proposés sont, bien sûr, le niveau du SNMG, les mutuelles et les allocations familiales.
Pour sa part, le patronat dont les points de vue entre les uns et les autres ne sont pas les mêmes souhaite aller plus loin lors de son face-à-face avec le gouvernement, à leur tête le Premier ministre, connu pour son pragmatisme et pour qui chaque dinar concédé doit être restitué sous forme de productivité. Sa devise : le bas de laine (les réserves) n’est pas inépuisable.
Durant ce round de négociations, le patronat fera tout pour faire entendre sa voix. Il revendiquera une concertation pour toute décision de nature économique qui l’impliquerait. Ne voulant plus être un robot entre les mains des politiques, il soutiendra qu’il aura son mot à dire dans la participation à la décision. Les réunions vont bon train. Celle de samedi dernier a duré huit heures. En résumé, il souhaite connaître la stratégie du gouvernement en matière économique de manière officielle et non plus par les déclarations intempestives de certains ministres en mal de médiatisation.
Quid du SMIG ?
C’est le point nodal qui intéresse la Centrale syndicale, autre partie prenante incontournable et le gouvernement pour calmer le grogne sociale et donc en premier lieu le citoyen qui voit dériver son pouvoir d’achat de façon vertigineuse.
Le SNMG, communément appelé le Smig, est actuellement à 12 000 dinars. En valeur minimale d’acquisition, pour un mois, de produits de première nécessité, il n’arrive même plus à couvrir le lait, le pain et la semoule pour une famille modèle (5 personnes). Cette aberration, encore plus stupéfiante, avec les hausses brusques pour certaines et sauvages pour d’autres, ont entraîné une véritable paupérisation de la frange des citoyens qui arguaient d’un emploi stable. La déception est d’autant plus grande quand ils ont vu les salaires de leurs élus nationaux prendre l’ascenseur vers des sommets.
La revalorisation du salaire minimum est devenue une urgence pour un pays qui a la réputation d’être “un pays qui s’enrichit en même temps que son peuple s’appauvrit”. Paradoxe.
Du côté de la Centrale syndicale, à leur tête Sidi-Saïd, le mot d’ordre est de redonner espoir aux travailleurs laminés par les suppressions d’emplois, les grèves et surtout par le non-respect des règles élémentaires du travail. Une étude commandée par l’UGTA révèle que des travailleurs perçoivent actuellement moins que le SNMG en vigueur. Pour elle, si on suit la logique de dernières évolutions dans l’augmentation du salaire minimum, elle s’est faite dans des tranches de 2 000 dinars. Le prochain salaire, donc, sera au moins de 14 000 DA. Bec et ongles, elle le défendra, soutenue certainement par le gouvernement. Mais arguant des hausses incontrôlées et pour redorer son blason de défenderesse des bas salaires, elle soutiendra le seuil des 15 000 DA.
Mais, car il y a toujours un mais, si l’Ugta et le gouvernement sont prêts à se renvoyer l’ascenseur, il n’est pas de même pour le patronat public et privé.
Le premier auquel l’autonomie totale pour la gestion est donnée se fait toujours admonester quand il n’est pas poursuivi pénalement pour “faute de gestion”, et par les SGP, propriétaires des actifs et par les ministres de tutelle, à l’heure des bilans de fin d’année. Pour le capital privé, la donne est tout autre. La plupart des entreprises sont des PME et cravachent dur pour faire face à la concurrence étrangère et surtout à l’informel. ll leur est demandé de faire un effort qui se résume à une augmentation de la charge salariale sans rien recevoir en contrepartie. Selon lui, il reste le plus grand employeur et à ce titre, il est un créateur d’emplois privilégié même si sa part dans la création de richesse reste encore faible. C’est pourquoi, les réunions de concertation entre les organisations patronales reviennent souvent à la question : qu’aurons-nous en retour ?
Le FCE absent des joutes mais omniprésent sur le terrain
Le Forum des chefs d’entreprise n’est pas une organisation patronale et à ce titre n’est pas convié aux réunions de la tripartite. Un autre paradoxe. Ses membres sont créateurs de richesse et d’emplois. Il va sans dire qu’il pèse sur la sphère économique nationale.
Il faut juste se rappeler l’intérêt concédé par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, lors la visite des hommes d’affaires japonais sur invitation du FCE. Le premier responsable de l’Exécutif s’est laissé aller à dire que l’Algérie comptera désormais sur ses hommes d’affaires. Autre indice : l’importance accordée au FCE par le candidat Bouteflika lors de sa campagne de la dernière élection présidentielle, par l’intermédiaire de son directeur de campagne à l’hôtel El-Aurassi. Le fruit est mûr et le forum cherche la meilleure voie pour se transformer en organisation patronale et se placer en interlocuteur et partenaire du gouvernement. Il ne demande rien sinon qu’on laisse travailler les énergies innovatrices existantes en son sein et que la paralysie ambiante laisse place à l’esprit d’initiative dans le cadre des décisions souveraines mais sages des pouvoirs publics.
Points annexes pour les uns mais importants pour les autres
Le gouvernement souhaite mettre sur la table des négociations les questions liées aux mutuelles et aux allocations familiales. Pour le premier point, le ministre du Travail en fait un credo. La sécurité sociale en Algérie doit être solidaire. Ceux qui travaillent ont le devoir de cotiser pour les autres. Cet acte de solidarité, respectable soit-il, doit-il être imputé à la population active, à la recherche de l’économie du moindre dinar ? La question reste posée. Aux employeurs de donner la réponse.
Le second point, relatif aux allocations familiales, est d’une importance capitale pour des pères de famille qui pourront avec cette rallonge subvenir au trousseau scolaire de leur progéniture. Mais la partie n’est pas gagnée avec les employeurs des petites et moyennes entreprises qui peinent à assurer des salaires et auxquels on demande des sacrifices supplémentaires. À choisir dans ce cas, la plupart opteront pour employer des célibataires.
Le dernier mot
Au Premier ministre, il faut donc patience garder jusqu’à ce qu’on lui apporte sur un plateau les desiderata des uns et des autres pour en faire la synthèse dans un condensé dont lui seul a la formule.
Le dernier mot reviendra au président Bouteflika. ll sera le seul à trancher. Les autres, toutes parties confondues, n’auront qu’à suivre et à applaudir ; quitte à revoir la loi de finances, qui a prévu provisoirement 230 milliards de dinars pour améliorer les conditions de vie des mal payés.
par Outoudert Abrous