Le 8 octobre 1957, les habitants de la Casbah et de tout Alger sont réveillés en pleine nuit par le bruit sourd d’une explosion, d’une violence inouïe, qui a soufflé deux petits immeubles, tuant sur le coup quatre de nos valeureux héros, ainsi qu’une vingtaine de personnes parmi les victimes civiles.
Il est minuit quand les paras de la deuxième compagnie de combat cernent le quartier abritant la cache en haute Casbah où sont retranchés nos quatre valeureux martyrs. On fait évacuer la population des maisons comprises dans l’îlot. Vêtu d’une djellaba dont la capuche lui recouvre en partie le visage, un homme est emmené par les paras dans la maison vidée de ses habitants, au 5 rue des Abdérames, monte au premier étage, fait déplacer un divan et montre sur le mur l’ouverture de la cache, un rectangle d’environ 40 cm sur 50 cm.
Les paras tentent de parlementer avec Ali la Pointe, qui se terre dans le silence. A 5 heures du matin, l’armée coloniale décide de plastiquer la maison. L’explosion est d’une violence inouïe, emportant Ali la Pointe, Hassiba, « une jolie jeune fille de dix-sept ans, délicate, élégante, instruite, héritière d’une riche famille bourgeoise qui ne pensait qu’à la victoire de la révolution », P’tit Omar « dont les yeux noisette riaient tout le temps », et Mahmoud Bouhamidi (*).
Cela eut lieu, quelques jours seulement après l’arrestation de Yacef Saâdi en compagnie de sa principale collaboratrice Zohra Drif, détentrice des archives de la Zone autonome d’Alger, le 24 septembre, au terme d’un plan diabolique de l’armée coloniale, pour mettre fin aux attentats commis par le FLN dans Alger et qui visaient la population européenne.
Il y avait notamment ceux du samedi 26 janvier 1957, en fin d’après-midi. Trois belles moudjahidate habillées à l’occidentale posèrent chacune une bombe dans des quartiers européens de la rue Michelet : la « Cafeteria », la brasserie l’ Otomatic, la brasserie « Coq Hardi », près du plateau des Glières, trois établissements fréquentés par la clientèle aisée d’Alger.
Deux jours après, ce fut la grève générale des huit jours. Le lundi 28 janvier, tous les magasins sont clos, les habitants se terrent dans leurs logements suivant les ordres du FLN.
Du 18 janvier au 15 avril 1957, de nouvelles bombes explosent en plein match de football aux stades d’El Biar et de Belcourt, posées par des adolescents qui n’avaient pas dix-huit ans. À la veille de l’été, en fin d’après-midi, trois socles de lampadaires en fonte, qui servaient d’arrêts de trolleybus, explosent. Le samedi suivant, c’est au casino de la Corniche qu’une bombe de forte puissance explose.
Alger est devenue le coeur battant de la révolution, en application des directives, de la révolution, notamment le plan qu’échafauda Larbi Ben M’hidi, en compagnie d’ Abane Ramdane, dès janvier 1957, et qui se résumait en la célèbre formule : « Mettez la révolution dans la rue et vous la verrez reprise et soutenue par des milliers d’hommes. »
Mais la répression s’abat alors sur la population. À El Biar, à Bouzaréah, aux camps d’hébergement, on pratique la torture à la chaîne, et on use de pratiques inhumaines à l’encontre à la population musulmane en vertu des pouvoirs spéciaux que venait de confier, en janvier 1957, Robert Lacoste, le ministre-résident, à Massu qui commandait la 10e division parachutiste.
La population musulmane est rudement touchée par la répression. Il n’y a guère de famille qui n’ait eu un ou plusieurs de ses membres arrêtés, torturés, tués parfois. Les disparitions se comptent par centaines, par milliers.
Ainsi s’achève une bataille dont se vante l’ennemi mais qui est en fait une basse opération de police, ayant révélé le vrai visage du colonialisme à travers l’usage de la torture, les exécutions sommaires et l’ouverture de camps de concentration. L’épopée de « la bataille d’Alger » a donné aussi un retentissement international sans commune mesure à la révolution algérienne.
Djamel Belbey
(*) D’après Yves courrière