Le berceau de la Tidjania à Laghouat en attente de réhabilitation

Le berceau de la Tidjania à Laghouat en attente de réhabilitation

ALGER- Berceau de l’influente confrérie Tidjania, importants pôles historiques, considérés comme hauts lieux de spiritualité et porteurs du message universel d’une des plus importantes voies soufies en Algérie, le ksar d’Aïn Madhi et le palais de Kourdane, près de Laguouat, sont aujourd’hui quasiment abandonnés à leur sort.

Peu connu des profanes, le ksar d’Aïn Madhi –siège de la zaouïa du même nom et dont les adeptes dans le monde se comptent par millions– regorge de repères historiques majeurs, à commencer par le lieu de naissance de son fondateur Sidi Ahmed At-tidjani (1737-1815) dans les murs de cette forteresse de près de 300 maisons.

Autrefois c£ur battant de cette localité du sud algérien, point d’expansion des constructions modernes qui forment l’actuelle commune d’Ain Madhi, le ksar a été pratiquement déserté par ses habitants.

En traversant ses ruelles pavées de pierre et d’argile qui serpentent entre les deux portes du ksar (« Bab El-Kbir », la grande porte, et « Bab Essakia », la porte du ruisseau), il est encore possible d’y croiser des disciples et des pèlerins.

Surplombant le ksar, la mosquée du Cheikh Tidjani, l’espace réservé aux ablutions et les mausolées entourant le lieu de culte constituent, quant à eux, les plus grands espaces à visiter étant mieux conservés que le reste des habitations.

Usés par le temps, détruits à plusieurs endroits ou menacés d’effondrement, des pans entiers du ksar, autant de témoins matériels du mode vie des anciens habitants du palais, risquent de disparaître. Surtout que ces traditions sont peu conservées à Aïn Madhi aujourd’hui, excepté à travers des anecdotes, expliquent des familles de pèlerins rencontrées sur place.

C’est le cas par exemple des étables du ksar, pouvant fournir de précieuses informations sur l’élevage des chevaux à Ain Madhi ou encore de ces grandes portes en bois de magasins d’époque, rongées par la moisissure.

Le ksar a également subi des destructions dans les premières décennies de la colonisation française (achevée en 1852), selon un guide local qui affirme que ces parties ont été restaurées depuis.

Durant la même période, il subissait le siége des troupes de l’Emir Abdelkader, un épisode marquant de l’histoire de la confrérie qui s’est conclu par une lettre d’excuses adressée par l’Emir à Mohamed Ben El Habib, chef de la confrérie à cette époque.

Le siège du ksar d’Aïn Madhi par le résistant et adepte de la tariqa (confrérie) Kadiria est considéré par la Tidjania comme « un conflit d’ordre politique et non religieux », explique Ahmed Echaïb, un éducateur de la région.

Kourdane, un palais dédié à l’amour

Second monument phare de l’histoire de la zaouïa, le palais de Kourdane est célèbre grâce à l’histoire d’amour à l’origine de sa construction, restée très présente dans la mémoire collective.

Edifié par le IVème calife de la confrérie, Sidi Ahmed Ammar Al Tidjani, le palais de Kourdane était la demeure de son épouse Aurélie Picard, qu’il a connue lors de son exil en France en 1870.

Depuis la construction du palais, ces noces ont donné lieu à différentes interprétations, certains y voyant un mariage chrétien (une version contredite par l’acte de mariage découvert par la suite), alors qu’il s’agit pour d’autres d’une tentative du colonisateur de contrôler la confrérie en y introduisant une espionne.

Endroit paradisiaque du temps d’Aurélie Picard qui avait choisi d’y finir ses jours, le palais, en ruines, est actuellement fermé aux visiteurs.

Seule une belle calèche au rez-de-chaussée subsiste de son riche patrimoine, aujourd’hui perdu à jamais.

Le délabrement a aussi atteint ses fastueux murs extérieurs, criblés de graffitis, et les arcades de ses grandes pièces qui, elles aussi, tombent en ruines à plusieurs endroits.

La cour extérieure du palais avec ses palmiers et ses ruisseaux restent les seuls témoins du faste de la demeure d’Amar Al Tidjani et d’Aurélie, enterrée à proximité dans le cimetière familial, selon les rites de l’islam.

Se désolant de l’état actuel du palais qu’il refuse de commenter davantage, le calife général de la confrérie, affirme avoir alerté, à plusieurs reprises, les autorités publiques afin qu’elles le prennent en charge en tant que patrimoine culturel national.

En dépit de l’absence de structures en mesure de le préserver, il demeure encore possible de restituer la grandeur et la beauté du berceau de la Tidjaniya, en toute conscience de sa valeur culturelle universelle qui s’ajoute à ses atouts touristiques et l’aura diplomatique indéniable de la confrérie.