Ce qui se passe en Libye est une copie (presque) conforme de ce qui s’est passé en Irak
La chute du régime El Gueddadfi est sans doute le premier enseignement à tirer des bouleversements géopolitiques qui touchent actuellement le Monde arabe.
Tripoli est donc en passe de tomber, après que l’annonce en a été faite par les rebelles. Seif el-Islam El Gueddafi, ex-futur successeur du guide libyen, affirmait lundi soir devant un parterre de journalistes que le régime de son père avait toujours la maîtrise de la capitale. Il est patent, toutefois, que le problème n’est plus là mais bien dans la manière par laquelle le régime de Mouamar El Gueddafi, supposé inexpugnable, a pu s’effon-drer au bout de six mois. Il ne faut pas se leurrer, si victoire il y a en Libye, c’est bien celle de l’Alliance atlantique qui a mis tout son poids militaire dans les offensives contre le régime El Gueddafi pour parvenir à ce résultat. Résultat que l’Otan pensait pouvoir réaliser au bout de quelques semaines. Il fallut donc des mois à l’Otan, avec tout l’arsenal militaire sophistiqué de ses 27 membres, pour venir à bout de la résistance de Mouamar El Gueddafi. Mais même la chute annoncée du régime libyen, n’est en fait qu’un épisode de la nouvelle politique que l’Occident a mis au point pour réinvestir le Monde arabe.
En effet, la donne géopolitique – chutes successives des pouvoirs de Ben Ali en Tunisie, de Hosni Moubarak en Egypte, menaces pesant sur les régimes tout aussi autoritaires de Bachar Al Assad en Syrie et Ali Abdallah Saleh au Yémen – a été chamboulée au Machrek et au Maghreb, région que l’ancien président américain, George W. Bush, voulait «démocratiser» avec son plan pour le «Grand Moyen-Orient». De fait, l’envahissement et l’occupation par l’armée américaine de l’Irak en mars 2003, outre d’avoir été négative en image de marque, auprès de l’opinion publique internationale, s’est également traduite par un cuisant échec du fait qu’Al Qaîda est toujours aussi solidement implantée en Irak.
Aussi, ce qu’il faut relever est que ce qui se passe en Libye est une copie (presque) conforme de ce qui s’est passé en Irak il y a huit ans. Les objectifs étant les mêmes: tout en neutralisant la mise en place d’une véritable démocratie au niveau du Monde arabe, mettre la main sur ses immenses richesses énergétiques. Aussi, la Libye est-elle en passe de devenir un cas d’école. En effet, il y a aujourd’hui une sérieuse menace sur la stabilité de l’ensemble du Monde arabe, par l’interventionnisme occidental tous azimuts mettant en danger l’indépendance et le libre arbitre de cette région du monde.
Sérieusement, qui pensera que, demain, le nouveau pouvoir libyen, incarné par le CNT, aurait son mot à dire dans la stratégie régionale et internationale quand la France a été la maîtresse d’oeuvre du déboulonnement du régime d’El Gueddafi? Paris, qui a fait pression sur ses alliés pour intervenir militairement en Libye, n’a jamais caché son intérêt à reprendre sa place de «grande puissance» en retrouvant des prérogatives régionales et internationales qu’elle avait perdues. La Libye, dès lors, constituait un passage sine qua non pour ce faire. Cela tout en mettant Tripoli dans le giron de la France. D’une pierre deux coups! Ce qu’il y a donc à relever, c’est qu’avec la chute du régime libyen, l’Algérie se trouve encerclée par des pays plus ou moins sous la férule de Paris. D’autre part, si l’on excipe du fait que le Monde arabe, plus ou moins, sous tutelle occidentale, nous constatons que l’Algérie en est devenue une sorte d’anachronisme. Or, cette situation, est-il utile de le souligner, constitue un véritable danger pour la sécurité et l’indépendance de l’Algérie autour de laquelle un toile d’araignée est en train de se tisser. C’est dire les velléités d’une (re)colonisation – sous une forme moins voyante et moins ostensible – de la région maghrébine, singulièrement, avec toutes les retombées que cela pourrait avoir sur la sécurité et l’indépendance de l’Algérie. Ce qui se passe en Libye, en Tunisie, en Egypte, en Syrie et au Yémen, notamment, induit une nouvelle approche de contrôle du Monde arabe, par les puissances occidentales, lesquelles, hélas, ont trouvé aide et collaboration parmi les dirigeants de certains pays arabes. Pour les dirigeants algériens, ce qui se passe en Libye, singulièrement, est un avertissement. L’Algérie a tous les moyens pour faire sa propre réforme sans que l’on doive la lui imposer de l’extérieur. C’est sans doute le premier enseignement à tirer des bouleversements géopolitiques qui touchent le Monde arabe.