Dans l’optique de combler le retard existant en matière de fracture numérique, Le MPTIC a élaboré une stratégie e-Algérie 2013 pour asseoir une introduction à tous les niveaux des technologies de l’information et de la communication. Cette stratégie est matérialisée par plusieurs points ou plusieurs axes stratégiques.
On peut noter, entre autres, l’action de l’accélération de l’usage des technologies de l’information et de la communication dans les administrations publiques, dans les entreprises, la mise en place de mécanismes et de mesures incitatives pour permettre l’accès des ménages et de très petites entreprises aux équipements et aux réseaux liés aux technologies de l’information et de la communication.
En d’autres termes, le programme e-Algérie 2013 vise un objectif majeur, à savoir l’intégration des TIC dans le secteur économique et le soutien à l’appropriation des TIC par les entreprises. Ce programme induit les trois objectifs spécifiques suivants : soutenir l’appropriation des TIC par les PME ; développer les applications pour l’amélioration des performances des entreprises et développer l’offre de services en ligne par les entreprises.
En somme, il est question de mettre en place les instruments nécessaires pour une accélération de l’usage des TIC dans un plus grand nombre de nos entreprises. Vu l’importance de ce programme et les enjeux qui en découlent et pour rendre efficace sa mise en oeuvre à court terme et ainsi ne pas tomber dans l’erreur, le gouvernement a jugé utile de saisir le CNES, le 24 janvier 2009, à l’effet de produire un avis sur le document portant stratégie «e-Algérie 2013», et ayant pour objet le déroulement d’un programme d’action en vue d’organiser la mutation de l’Algérie vers la société de l’information et l’économie numérique sur les cinq prochaines années.
Les résultats de cette étude ont été rendus publics dans le Journal officiel du 16 septembre 2009. Au registre des observations, on relèvera de nombreuses lignes de rupture avec les politiques publiques initiées en matière de TIC. Le CNES considère que, sur le plan de la forme, le document ne sépare pas les éléments du contenu de ceux propres aux instruments et aux moyens de mise en oeuvre en une architecture appropriée. Si bien que la visibilité des objectifs est réduite par le fait d’un agencement non ordonnancé et d’une dispersion au niveau des dispositifs de mise en oeuvre.
Par ailleurs, l’Etat se voit attribuer un rôle moteur en ce qui a trait à la mise en oeuvre du programme «e-Algérie 2013», et porte quasiment seul l’effort de développement induit par la mise en oeuvre des politiques publiques en rapport avec cette question. Le conseil estime en outre que l’horizon des cinq années projetées pour réaliser un projet aussi ambitieux semble difficile à respecter compte tenu de l’intensité des contraintes identifiées dans le document.
Le conseil considère en particulier qu’il convient de s’interroger sur les capacités d’absorption du tissu institutionnel, économique et social des différentes actions dont le développement est envisagé. La démarche préconisée pour atteindre les objectifs fixés semble trop globale, et ne fixe pas d’échéances intermédiaires par objectif, entre 2009 et 2013, pour chacun des axes majeurs identifiés. Le CNES relève également un certain manque de cohérence dans la nécessaire mutualisation des efforts et des moyens à mettre en oeuvre.
Et suggère à ce sujet que chaque partie prenante doit se doter de l’ensemble des moyens humains et matériels requis indépendamment de ce qui peut exister ou être acquis auprès de parties prenantes homologues. Les collectivités locales, en tant que démembrements de l’Etat et interface directe des citoyens, ne semblent pas bénéficier du niveau d’attention requis, au moment même où la volonté politique sans cesse réaffirmée est de promouvoir une gouvernance de proximité dans laquelle les TIC sont appelées à jouer un rôle majeur.
Il a été constaté par cette institution un manque de synergie entre les axes majeurs et les objectifs correspondants alors qu’elle devrait être recherchée et approfondie. Et d’interpréter que ceci est une faiblesse qu’il convient de pallier pour faire de ce programme un élément constitutif cohérent de la stratégie nationale qu’il faut mettre en oeuvre en matière de développement technologique. Le conseil observe que le programme e-Algérie 2013, qui place l’implication du citoyen en tant que vecteur princeps du développement des TIC, ne pose pas de manière suffisamment forte l’absolu prérequis de la création d’un système national d’identification permettant l’identification unique de chaque citoyenne et citoyen.
Le programme «e-Algérie 2013» tend à privilégier l’approche par le hard à la fois dans son argumentation, dans sa mise en oeuvre et dans ses aboutissants, au détriment d’une approche qualitative par le soft et les contenus. Ceci serait de nature à réduire et la faisabilité et l’efficacité de l’approche retenue, d’autant que l’accent est mis, au plus haut niveau de l’Etat, sur la nécessité de rompre avec les approches quantitatives absolument nécessaires à une étape donnée du développement national, mais inadaptées aujourd’hui aux exigences de saut qualitatif attendu du processus de développement national dans tous les domaines.
La jeunesse de la population algérienne, et son intérêt prouvé pour les nouvelles technologies, sont, en effet, des facteurs potentiels de succès du programme, à la condition que celle-ci soit vue non plus comme consommatrice de contenus ou de technologies, mais comme créatrice de connaissances et de savoir, au sens de «creative class». Le développement des TIC : une stratégie d’Etat Au chapitre des recomandations émises par le CNES, ce dernier se prononce sur l’impérieuse nécessité d’inscrire le développement des TIC au coeur d’une stratégie explicite et orientée vers une économie fondée sur la connaissance.
Dans cette optique, le Conseil national économique et social considère, à la lumière de l’évolution de la situation mondiale en la matière, que l’Algérie, compte tenu de sa situation économique et sociale, dispose d’une fenêtre d’opportunité (opportunity window), qui se conjugue à l’urgence d’entamer explicitement sa transition vers l’économie fondée sur la connaissance, en tant que paradigme fondateur, particulièrement dans le contexte qui est le sien propre, d’une économie de «l’après-pétrole».
De plus, il souligne que l’orientation vers une économie fondée sur la connaissance apparaît comme une orientation majeure et incoercible pour l’Algérie, de nature assurément à mobiliser son formidable potentiel de connaissances au service de la création durable de richesses et prenant judicieusement le relais de la rente pétrolière pour, enfin, s’y substituer à son extinction. Le CNES rappelle dans son compte rendu que cette orientation est posée comme orientation cardinale par le premier magistrat du pays et a été fortement réaffirmée depuis peu dans l’adresse du président de la République, en date du 13 décembre 2008, en direction des compétences nationales résidant à l’étranger : la démocratisation de l’accès aux TIC devra favoriser, dans le même temps, l’inclusion sociale ; c’est un des éléments fédérateurs et un stimulant puissant au niveau social qui rejoint la problématique de la cohésion sociale.
Non sans rappeler que les TIC ne provoquent les répercussions économiques, sociales et sociétales attendues qu’à la condition qu’une masse critique d’utilisateurs soit atteinte. Cela exige le montage d’un dispositif stratégique qui regarde à la fois l’industrie du contenu et du contenant, les modes d’allocation des ressources, le ciblage graduel des espaces en fonction des capacités d’absorption et des systèmes de régulation à part mus par une implication soutenue des pouvoirs publics.
Le conseil attire l’attention sur l’impérative implication de toutes les parties prenantes en tant que facteur essentiel du succès d’une telle stratégie, à savoir les pouvoirs publics (G = gouvernement), les entreprises (B = business) et les citoyens (C = citizens = consumers). Toutes les approches expérimentées avec succès dans les pays pionniers se sont appuyées sur le développement des différentes combinaisons (G to B, G to C, B to C, etc.) pour créer la synergie nécessaire, d’abord en termes de contenu et de services. Le Conseil préconise une réflexion inclusive autour des aspects liés au développement des TIC dans notre pays…
Il fait part de sa conviction que parmi l’ensemble des secteurs susceptibles de créer l’indispensable effet d’entraînement figurent en premier lieu le e-banking (services financiers en ligne) et le e-business. Le Conseil partage l’opinion des auteurs du programme «e-Algérie 2013», selon laquelle ces secteurs sont quasiinexistants dans notre pays. Cela est, en effet, susceptible de réduire la pertinence des actions envisagées pour la généralisation de l’utilisation des TIC auprès du grand public.
Pour finir, le point de vue ultime du conseil est que, en effet, la politique «e-Algérie 2013» gagnerait infiniment en puissance et en efficacité si elle pouvait explicitement converger vers les autres logiques de l’action publique qui lui sont étroitement consubstantielles, autorisant alors sa déclinaison selon une typologie davantage en ligne de cohérence avec le schéma conventionnel conduisant à «l’économie fondée sur la connaissance».
Ziad Abdelhadi