Le conflit du Sahara occidental a été « israélisé »

Le conflit du Sahara occidental a été « israélisé »

AMIENS, (France) – Le conflit du Sahara occidental a été « israélisé », a affirmé le professeur de relations internationales Yahia Zoubir, estimant qu’on veut imposer une situation d’occupation de fait.

« L’israélisation du conflit du Sahara occidental consiste à acquérir des territoires, faire une colonisation de peuplement et faire en sorte que ce genre d’occupation soit agréé par la communauté internationale », a souligné ce chercheur algérien lors du colloque pluridisciplinaire intitulé « Le Sahara occidental – Actualités d’une question ancienne », dont les travaux ont été ouverts lundi après-midi à Amiens (Hauts-de-France).

Pour lui, c’est le modèle d’occupation israélien qui est reconduit dans le conflit du Sahara occidental opposant le Maroc au peuple sahraoui.

« On veut imposer une situation de fait, notamment du côté des grandes puissances. La France est en faveur du Maroc dans ce conflit et les Etats-Unis sont pour Israël », a-t-il ajouté, soulignant que la France « soutient le Maroc et laisse faire cette occupation des territoires sahraouis, la preuve en est la question des droits humains que la France refuse d’intégrer cette question dans le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso) ».

Dans sa première journée, le colloque international, organisé par l’Université de Picardie Jules-Verne, en partenariat avec le Centre national de recherche scientifique (CNRS), s’est longuement penché sur le conflit vu de l’approche coloniale du territoire, l’approche marocaine du territoire en tant que puissance occupante, l’approche juridique de la notion du territoire et l’intérêt économique du territoire du Sahara occidental.

C’est ainsi que le professeur agrégé d’histoire, Pierre Vermeren, a passé en revue l’histoire du territoire du Sahara occidental et de son peuple, faisant remarquer qu’il n’y a jamais eu de lien de souveraineté entre le Maroc et le territoire du Sahara occidental, même s’il y a eu, par le passé l’allégeance de tribus sahraouis au roi du Maroc.

Ce qui a fait réagir le professeur de droit constitutionnel, Calos Ruiz Miguel, pour souligner que des documents montrent que c’étaient quelques Sahraouis qui avaient fait allégeance à titre individuel.

Pillage des ressources naturelles, la catastrophe

Dans sa logique impériale, le Maroc par le biais de son occupation illégale du Sahara occidental, qu’aucun pays ne lui reconnaisse la souveraineté, est en train de piller les richesses et les ressources naturelles de ce territoire avec le consentement de beaucoup de pays, a fait remarquer Philippe Leclercq, co-président de l’Association de solidarité avec le peuple sahraoui de Lorraine.

Intervenant au nom des Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), il a montré, chiffres à l’appui, comment le Maroc profite de cette colonisation pour s’enrichir et dévaster les richesses des Sahraouis avec la connivence de sa clientèle qui est l’Union européenne, la Russie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Turquie, la Chine et l’Inde.

« Nous sommes au bord de la catastrophe de la surexploitation des ressources halieutiques des eaux territoriales du Sahara occidental », a-t-il alerté, signalant qu’en matière d’agriculture, le Maroc a exploité en 2016 plus de 900 hectares, dont les produits (tomate, pastèque et menthe) partent de Dakhla via Agadir pour Perpignan (France).

L’autre sujet important abordé est celui de « quel gouvernement pour le Sahara occidental », au cours du panel, le représentant du Front Polisario en France, Oubi Boucheraya Bachir, a exposé les structures étatiques de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) dans les camps de réfugiés de Tindouf et dans les territoires libérés.

Dans l’approche pratique de la représentation du Sahara occidental, Oubi Boucheraya a souligné que le Front Polisario est un mouvement de libération qui rassemble tous les courants politiques et non pas un parti politique.

« Il continue à mener cette lutte et d’assurer sa continuité pour l’indépendance du Sahara occidental », a-t-il dit, précisant qu’il « incarne l’aspiration principale des sahraouis à la liberté et à l’indépendance ».

Il a réfuté dans ce contexte l’appel au « réalisme » pour résoudre le conflit, né de l’occupation marocaine il y a plus de quarante ans.

« C’est une vision sélective et tendancieuse, alors qu’il faut intégrer dans l’approche la réalité sahraouie qui a le droit international en sa faveur », a-t-il affirmé.

Makana Moïse Mbengue, professeur de droit à l’Université de Genève, a quant à lui évoqué l’Union africaine vis-à-vis de la question du Sahara occidental, faisant observer que depuis l’adhésion du Maroc, « on assiste à un revirement de la position » de l’institution continentale.

« Après avoir défendu becs et ongles la question en revendiquant le référendum d’autodétermination du peuple sahraouie, l’Union africaine, préfère maintenant que la question soit traitée au sein d’une troïka », a-t-il expliqué, soutenant que ceci « contredit toutes ses résolutions pertinentes ».

« On assiste au sein de l’UA, une sorte de fragmentation du principe de l’autodétermination du peuple du Sahara occidental », a-t-il ajouté, précisant que « ce n’est pas conforme au textes fondateurs » de cette institution.

Le colloque se poursuivra mardi pendant toute la journée avec une thématique que les intervenants focaliseront, notamment, sur la population du Sahara occidental, le rôle des organisations internationales et les relations à venir entre l’Union européenne et le Sahara occidental.