L’enquête Sahwa en Algérie révèle que 26,8% des jeunes dont l’âge varie entre 15 et 29 ans sont analphabètes ou ont quitté l’école avant seize ans, ou même avant d’atteindre la quatrième année moyenne.
Le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) vient de publier un ouvrage collectif intitulé La jeunesse algérienne : vécu, représentations et aspirations, coécrit par les chercheurs Nacer-Eddine Hammouda, Nesrine-Amina Benhaddad, Kamel Boucherf, Hassen Souaber, Razika Medjoub et Mustapha Omrane. L’ouvrage collectif réunit plusieurs articles traitant notamment de l’exclusion scolaire, de l’insertion professionnelle des jeunes, de leur désir de migration et de leur participation civique et politique en Algérie. Initiée par l’Union européenne dans le cadre du projet Sahwa et réalisée entre 2014 et 2016 au niveau de cinq pays — Algérie, Égypte, Liban, Maroc et Tunisie —, l’enquête sur la jeunesse est une opération de grande envergure pour la richesse et la variété des données qu’elle a permis de rendre disponibles.
Elle a été effectuée sur un échantillon global de 10 000 jeunes, répartis équitablement entre les cinq pays (2 000 par pays). Pour la partie algérienne, cette enquête, qui a été conduite par le Cread, revêt une importance particulière. Elle permet d’apporter un nouvel éclairage sur la situation des jeunes Algériens de 15 à 29 ans. L’enquête algérienne sur la jeunesse permet de disposer d’une base de données très riche sur des thèmes aussi importants que ceux relatifs aux conditions de vie des jeunes, à l’éducation, à l’emploi et au chômage, à la culture, à la migration, y compris clandestine, et à la politique. Elle permet également de combler un déficit criant en matière de données quantitatives et qualitatives sur les jeunes, sur lesquels doit reposer le développement économique et social du pays, dont ils constituent le socle. L’enquête Sahwa en Algérie révèle que 26,8% des jeunes dont l’âge varie entre 15 et 29 ans sont analphabètes ou ont quitté l’école avant seize ans, ou même avant d’atteindre la quatrième année moyenne. Selon l’ouvrage, la population juvénile de 15 à 29 ans représente 26,2% de l’ensemble de la population résidente totale en 2015.
Elle a connu un accroissement considérable entre 1966 et 2008, passant de 22,5% à 31,8% pour décliner à partir de 2010. L’exclusion scolaire, qui paraît préoccupante dans les résultats du projet Sahwa, a des effets négatifs sur l’insertion professionnelle des jeunes Algériens. Bien que la catégorie des exclus soit la plus vulnérable dans la société, elle est moins prise en charge par la formation professionnelle et la politique d’emploi. Ce phénomène social d’exclusion scolaire conduit les jeunes hommes vers le marché informel et les jeunes filles à l’inactivité. Le manque d’opportunités d’emploi et le dysfonctionnement entre la formation professionnelle et le marché du travail engendrent, par ailleurs, l’implication du réseau de relations dans l’accès au stage et à l’emploi. Les données de l’enquête sur le désir de migration des jeunes de 15 à 29 ans constituent un nouvel éclairage sur le phénomène de la migration internationale.
La proportion des jeunes tentés de quitter leur pays a été estimée à 25,7% de l’ensemble de la population juvénile âgée de 15 à 29 ans par l’enquête algérienne sur la jeunesse. En valeur absolue, cette proportion représente l’équivalent de presque 2 700 000 jeunes. Le fait marquant est qu’une proportion non négligeable de jeunes souhaitant l’expatriation est constituée de gens diplômés des universités. À l’échelle individuelle, le désir de migration est motivé, en premier lieu, par le manque flagrant d’opportunités, notamment sur le plan de l’offre d’emploi, ensuite par le niveau et le mode de vie lassants. C’est dire combien la dimension du malaise social est parlante parmi la catégorie des jeunes.
M. R.