Le Dessinateur de presse Tawfiq Omrane était l’invité du café littéraire de Béjaïa: “Le caricaturiste n’a aucun statut officiel en Tunisie”

Le Dessinateur de presse Tawfiq Omrane était l’invité du café littéraire de Béjaïa:  “Le caricaturiste n’a aucun statut officiel en Tunisie”

Lors de cette rencontre, Tawfiq Omrane est revenu sur son parcours de militant, en faisant une approche comparative entre les deux périodes : celle de l’ère de Ben Ali et celle post-révolution du Jasmin, dite communément “printemps arabe” de 2011.

Le caricaturiste tunisien,Tawfiq Omrane, alias Omrane Cartoonist, a indiqué, samedi à Béjaïa, que “le caricaturiste n’a aucun statut officiel en Tunisie”, le comparant à une chauve-souris qui se cherche de nuit, car elle se sent rejetée de part et d’autre. “Je compare le caricaturiste de chez nous à cette espèce de chiroptères qui ne fait partie ni de la famille des rongeurs ni de celle des oiseaux. Car il n’a aucun statut, ni celui d’un professionnel des médias ni celui de dessinateur”, a-t-il soutenu.

Invité au café littéraire de Béjaïa, tenu avant-hier à la petite salle du théâtre régional Abdelmalek-Bouguermouh (TRB), cet opposant au régime de Ben Ali est revenu sur son expérience en tant que dessinateur de presse, mais aussi sur son parcours de militant de gauche, en faisant une approche comparative entre les deux périodes : celle de l’ère de Ben Ali et celle post-révolution du Jasmin, dite communément “printemps arabe” de 2011.

Selon l’orateur, avant la révolution en Tunisie, on pouvait critiquer tout, y compris la religion, à l’exception bien sûr du président Ben Ali, ses hommes politiques et sa famille. Or, après la chute du régime de Ben Ali, c’est exactement le contraire, on peut critiquer même le président de la République, mais pas tout ce qui concerne la religion.

Pour ce caricaturiste politique qui s’est fait connaître dès le début des années 1980, avant d’être frappé par l’omerta du régime dictatorial de Ben Ali, au-delà de la censure qui existe encore dans les médias tunisiens, le professionnel de la presse se voit aujourd’hui contraint de s’imposer une certaine autocensure, notamment lorsqu’il s’agit des sujets ayant trait à la sexualité ou à la religion. “Je pense que l’autocensure existe dans toutes les sociétés religieuses, c’est-à-dire conservatrices”, a-t-il estimé, avant d’ajouter : “Bien que la nouvelle Constitution tunisienne consacre la liberté d’expression dans toute sa dimension, l’émergence de mouvements radicaux et intégristes impose l’autocensure, du fait que ces derniers constituent une menace permanente pour tout citoyen osant critiquer la religion ou l’islamisme politique.” Le conférencier évoquera, à titre d’exemple, le cas de l’une de ses caricatures publiées sur le site web de la radio de l’opposition Kalima, qui avait provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la mouvance islamiste tunisienne.

Pour rappel, à travers cette caricature controversée, M. Omrane a osé faire un parallèle entre les mères célibataires, que le gouvernement d’El-Ghennouchi voulait livrer à l’abandon, et la Sainte Marie. À noter que ce dessin de presse, jugé “trop osé”, voire “subversif”, a valu à son auteur une fetwa le condamnant à mort et appelant à brûler la radio Kalima que dirigeait la célèbre journaliste et défenseuse des droits de l’homme, Sihem Bensedrine.

Enfin, Tawfiq Omrane se dit persuadé que “les médias tunisiens sont toujours entre les mains des hommes de Ben Ali qui sont de mèche avec les islamistes. Ils font tout pour écarter les vrais opposants et l’élite politique du pays du champ politico-médiatique”. “Ils sont allés jusqu’à réduire la révolution de tout un peuple qui s’est soulevé contre le régime autoritaire de Ben Ali à une simple révolte de la jeunesse”, a-t-il dit. D’ailleurs, poursuit-il, “si la révolution du Jasmin a réussi à chasser les islamistes d’Ennahda du pouvoir, c’était grâce à 3 entités, à savoir l’institution militaire, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) et le mouvement des femmes démocrates”. Quant au deuxième invité de ce café littéraire, Azzedine Aliouchouche, un caricaturiste free-lance, originaire de la daïra d’Akbou, il retracera son long parcours de spécialiste des dessins de presse et de la bande dessinée (BD).

Ses premiers pas dans ce monde artistique remontent, selon lui, aux années 1970, alors qu’il était encore écolier. “Dès mon enfance, mon espace vital et ma passion étaient la bande dessinée et la caricature”, a-t-il déclaré d’emblée devant une assistance curieuse de découvrir le talent de ce natif de la région de la Soummam.

M. Aliouchouche est revenu également dans son intervention sur des caricatures “moins subversives” qu’il avait publiées en 1988 dans l’hebdomadaire Algérie-Actualités. En guise de conclusion, l’orateur dira : “Personnellement, je préfère être censuré que de me censurer moi-même.”