Y a-t-il volonté délibérée de mettre la pression sur le pouvoir algérien ou est-ce tout simplement une stratégie pour maintenir le flou autour d’une affaire qui bouclera au mois de mai prochain ses vingt années.
Le parquet antiterroriste de Paris revient à la charge et remet en cause la version d’Alger selon laquelle les sept chrétiens avaient été exécutés et décapités par les sanguinaires du GIA. Selon les conclusions d’un nouveau rapport établi par des experts français, rapportées hier par le quotidien français, Le Figaro, la date du décès des sept moines ne correspondrait pas à celle avancée par le Groupe islamique armé.
Le rapport de l’enquête de la mission française, autorisée en octobre dernier à se rendre sur les lieux du drame à Tibhirine, a été transmis avant-hier (jeudi) aux familles des sept religieux. La conclusion des magistrats et leur accompagnateurs était que le décès des moines remonterait à près d’un mois avant leur décapitation, le 21 mai, annoncée par l’organisation terroriste dans un communiqué signé deux jours plus tard, soit le 23 mai.
Selon les émissaires du parquet de Paris, la mort des sept religieux aurait été provoquée vers la fin du mois d’avril. Ce qui permet justement de relancer le sujet quant à l’identité des auteurs du crime.
Les conclusions de Marc Trévidic et Nathalie Poux les deux magistrats à la tête de la mission française à laquelle ont pris part le représentant du parquet antiterroriste de Paris et des experts dont un médecin légiste, un anthropologue et un radiologue, réfutent la version selon laquelle le GIA aurait exécuté les sept moine à la fin mai.
Les têtes retrouvées au bord d’une route le 30 mai 1996, auraient été exhumées pour être de nouveau enterrées. Selon le rapport : « les éléments botaniques et la présence de terre différente de celle du cimetière de Tibhirine, observés dans et sur les crânes, plaident en faveur d’une première inhumation », estiment les scientifiques français. Ce qui semble appuyer aussi la thèse selon laquelle le crime n’aurait pas été commis par les sbires de Djamel Zitouni.
Une thèse avancé, toujours selon le journal, par certains ex-agents de la sécurité militaire, Abdelkader Tigha et Mohamed Samraoui en l’occurrence, actuellement en fuite et évidemment hébergés par la France ; ou, encore un ancien attaché de défense à l’ambassade de France à Alger en 1996, le général François Buchwalter, qui avait quant à lui avancé, en 2009, la thèse de la bavure d’un pilote d’hélicoptère de l’armée national lequel aurait cru tirer sur un groupement terroristes. Une bavure que les autorités algériennes auraient voulu « camoufler ». Selon le général.
Cette affaire avait suscité beaucoup d’équivoque de la part des familles des victimes appuyé par l’Etat français qui avaient exigé que les têtes des moines soient rapatriées pour y subir une expertise. Ce qu’a réfuté Alger invoquant la souveraineté de la Justice algérienne.
Le président de la Commission nationale consultative pour la promotion des droits de l’homme, Farouk Ksentini, avait d’ailleurs affirmé sur les colonnes d’un quotidien national que la levée de boucliers sur l’affaire des moines de Tibhirine n’est autre qu’une volonté de nuire à l’Algérie. « Il y a une volonté politique de nuire à la réputation de l’Algérie », avait déclaré en 2009 M.Ksentini.
« Cette affaire a une connotation politique », a-t-il affirmé ajoutant « c’est inconcevable, je me demande comment des juges d’instruction ont pu prendre en considération des propos et un témoignage inconsistants », en parlant des témoignages du général Buchwalter traité alors par M. Ksentini de général d’opérette !
Autres versions ayant cette fois-ci confirmé le rapport d’Alger. Des témoignages avaient révélé dans un documentaire diffusé en mai 2013 par la chaine publique française que des terroristes avaient été vus sur les lieux du monastère.
Dans leur documentaire intitulé « Le martyre des 7 moines de Tibhirine », Malik Aït Aoudia et Séverine Labat ont donné la parole à des témoins ayant vécu certains événements en 1996. Selon l’un d’eux, « les moines de Tibhirine auraient été égorgés par des tueurs barbus, au sourire édenté, brandissant fièrement des haches d’assassins et tuant par plaisir pour faire couler du « sang chrétien ».
Si du côté algérien, l’affaire qui a fait couler beaucoup d’encre durant la décennie noir a été classée, de l’autre côté de la méditerranée le dossier est loin d’être clos…