Comment évaluez-vous la situation économique du pays ?
Notre économie est faite de bric et de broc, d’un tiers de résidu de l’économie administrée des années 1970, d’un tiers d’économie informelle, qui fournit 30- 40 % du PIB, et d’un tiers d’économie formelle obéissant aux instructions politiques. Il s’agit d’une économie rentière, dépendante des hydrocarbures à l’exportation et de l’étranger pour tous les biens de première nécessité. Elle est clientèliste aussi car il faut être dans les bonnes grâces du régime pour prospérer. Le déficit des paiements courants dépasse 15 % du PIB et la croissance, à 3 %, est très insuffisante pour commencer à résorber le vertigineux chômage des jeunes. Le gouvernement ponctionne sans vergogne le Fonds de régulation des recettes, qui sera épuisé à la fin de l’année. Quant aux réserves de change, de 193 milliards de dollars l’an dernier, elles auront fondu de moitié fin 2016. Les projets d’équipement sont gelés, et le budget de l’Etat fonctionne au jour le jour. Comment 1.000 milliards de dollars de recettes pétrolières en dix ans ont-elles pu être ainsi gâchées ? Nous allons dans le mur.
Quelles mesures faudrait-il prendre ?
Sur le plan politique, nous vivons une période de « glaciation brejnévienne », où le temps semble s’être arrêté, avec un gouvernement tétanisé face à l’effondrement du prix du pétrole et préoccupé de sa seule survie. Nous sommes en pleine crise de régime, l’ouverture d’un dialogue national avec l’opposition pour un changement graduel et pacifique s’impose. Mais le pouvoir n’a répondu que par deux nouvelles lois verrouillant encore davantage les législatives de 2017. Il est pourtant urgent de débureaucratiser et dépolitiser l’économie, de supprimer les barrières pour les investisseurs étrangers, de moderniser notre système bancaire.
En revanche, l’Algérie semble moins frappée par les djihadistes que d’autres pays.
Les terroristes ne peuvent plus frapper partout et tout le temps en Algérie. Un arc terroriste s’est installé du Nigeria à la Somalie, du Sahel au Maghreb : c’est le fait géopolitique majeur des cinq dernières années. Al Qaida était le seul en piste au début du siècle, il en existe dix du même type aujourd’hui.