Les difficultés du gouvernement Bedoui à fonctionner dans la normalité s’illustrent par le blocage de l’activité du Parlement. Aucun projet de loi élaboré depuis sa constitution. Le chef de l’État n’a pas le droit de légiférer par ordonnance.
L’activité de l’Assemblée populaire nationale s’est arrêtée le 28 février 2019, jour de l’adoption de la déclaration de politique générale du gouvernement Ouyahia, à l’émergence de l’insurrection populaire. La Chambre basse du Parlement, autant que le Conseil de la nation, sombre dans l’inertie, en partie à cause d’un gouvernement en panne d’initiatives. Aucun des ministres, nommés dans l’équipe de Noureddine Bedoui à la fin du mois de mars dernier, n’a présenté aux députés un projet de loi. Les difficultés de l’Exécutif à fonctionner dans la normalité s’illustrent aussi par son incapacité à entretenir avec le Parlement des relations de travail usuelles.
Le 9 mai dernier, le président de l’APN, Mouad Bouchareb, a convoqué, contre vents et marées, une séance plénière consacrée aux questions orales. Les ministres interpellés se sont présentés dans un hémicycle occupé par treize députés sur un ensemble de 462 membres. Bouchareb, désavoué par sa famille politique, et le gouvernement, boycotté par l’opposition, n’ont pas pris le risque de renouveler une expérience aux effets médiatiques désastreux. Le blocage durera inéluctablement tant que le président de l’APN, d’un côté, et le Premier ministre, Noureddine Bedoui, ainsi que son staff, de l’autre, gardent leurs fonctions respectives.
Rien n’augure, a priori, des changements envisageables à brève échéance, en dépit du forcing opéré par le FLN pour déloger Mouad Bouchareb du perchoir de l’Assemblée nationale. Dans trois semaines, la session parlementaire 2018-2019 sera clôturée, probablement sans cérémonie, dès lors qu’elle sera boudée par les députés si Bouchareb la préside. Un scénario identique est à prévoir au Conseil de la nation. Salah Goudjil est, lui aussi, contesté par ses pairs parce qu’il ne veut pas céder sa place d’intérimaire à un président élu, dans les délais fixés par le règlement intérieur (15 jours à partir du 9 avril). L’intersession parlementaire ne sera pas favorable, non plus, à une bonne production de lois. Le chef de l’État, Abdelkader Bensalah, n’a pas la prérogative de légiférer par ordonnance.
L’article 104 de la Constitution gèle l’application des dispositions de l’article 142 qui confère ce pouvoir au président de la République élu. Conséquence : impossible d’entreprendre une loi de finances complémentaire pour 2019, même si le texte s’avère utile pour donner un soubassement juridique à certaines mesures prises par le gouvernement, dont celle inhérente à l’importation des véhicules de moins de trois ans et la limitation des quotas d’importation des kits CKD-SKD. Sans une évolution de l’actualité dans le sens d’un dénouement de la crise par le truchement de solutions politiques validées par le peuple, le Parlement ne saurait même plus servir de chambre d’enregistrement de projets de lois initiés par le gouvernement. Au vu des évènements actuels, le pays inscrira dans ses annales un nouveau fait inédit : la loi de finances 2019 reconduite in extenso pour 2020.
Souhila Hammadi