Par Saïd BOUCETTA
C’est unis comme jamais que les Algériens abordent le mois sacré, annonçant par la même, leur détermination à ne pas fléchir sous prétexte que le Ramadhan soit synonyme d’une baisse d’activité.
Généralement redouté pour sa mercuriale, ces 10 dernières années, le mois sacré du Ramadhan débutera demain ou après demain dans un contexte, pour le moins exceptionnel. Les Algériens ont connu plus d’une dizaine de mois de Ramadhan sanglants durant les années 90 où la rapine des spéculateurs, le plan d’ajustement structurel du FMI et les affreux attentats du GIA se disputaient la «vedette», rendant extrêmement éprouvant l’accomplissement d’un des plus importants piliers de l’islam. Les douloureux mois de Ramadhan des années de braise, ont certes laissé des traces indélébiles dans le corps social, mais restent néanmoins de «lointains» souvenirs pour nombre d’Algériens.
L’évocation des années 90 s’efface avec l’immense espoir que suscite le mouvement populaire depuis son avènement sur la scène politique. En cela, le Ramadhan 2019 ne ressemble à aucun des 56 autres qui l’ont précédé. Même pas à ceux qui ont vu l’Equipe nationale de football briller en Coupe du monde. Le pays est présentement traversé par une vague d’euphorie, encore jamais ressentie, depuis l’indépendance du pays. De mémoire d’Algériens, l’on n’a pas vu le peuple faire montre d’un sens aussi élevé de civisme et de conscience politique. C’est donc unis comme jamais que les Algériens abordent le mois sacré, annonçant par la même, leur détermination à ne pas fléchir sous prétexte que le Ramadhan soit synonyme d’une baisse d’activité. Déterminée à demeurer avec le même état d’esprit, la société qui s’est découvert un penchant pour la solidarité devrait confirmer cette attitude et profiter du mois de l’entraide et de la piété, pour rebooster le mouvement populaire.
Cela passera certainement par des actions, dont seuls les Algériens ont le secret de l’originalité, mais pas seulement. L’ampleur du mouvement populaire appelle automatiquement d’immenses actions de solidarité. Il serait imprudent d’imaginer le mécanisme et encore moins le niveau d’engagement de la population, mais l’on peut supposer que le Ramadhan 2019 ne ressemblera à aucun autre. L’on s’attend, en effet, à ce que les démonstrations de solidarité soient inédites. Cette attente ne relève pas de l’imaginaire. Elle est partagée par de très nombreux citoyens qui estiment nécessaire de traduire la solidarité politique et citoyenne, en une solidarité sociale et entre les couches de la société. Les Algériens qui ont battu le pavé, par millions, 11 vendredis durant, ont pris conscience de leur diversité et voudront maintenir la cohésion qui les soude, intacte et ne laisser aucune frange de la population traverser le mois sacré dans la douleur.
Ce souhait qui fait la quasi-unanimité, se traduira sur le terrain, à travers des actions concrètes de solidarité. Cela est un fait. Il est entendu, compte tenu des circonstances particulières, que le volet humanitaire soit très présent. Le véritable test du Ramadhan 2019 sera à suivre sur les comportements des citoyens vis-à-vis des commerçants et des spéculateurs. Y aura-t-il des opérations citoyennes de boycott, de dénonciation de commerçants véreux, de lutte citoyenne et efficace contre la hausse injustifiée des prix des denrées alimentaires, voire aussi des articles d’habillement à l’approche de l’Aïd? La question que se posent les observateurs sera de savoir si le mouvement populaire, qui a libéré la parole et mis le peuple au centre de l’échiquier politique, a la profondeur nécessaire pour en faire un acteur déterminant de la cité.
En effet, si durant ce Ramadhan, la société algérienne parvient, par le truchement de la solidarité et armée des moyens de communication moderne que sont les réseaux sociaux, à faire en sorte que les spéculateurs soient pointés du doigt, l’Algérie aura véritablement fait sa grande révolution. Avec un peuple, dont la conscience s’élève au point de gérer pareils aspects de la vie quotidienne, il n’y a absolument rien à craindre pour lui. Cela dit, il ne faut pas aller trop vite en besogne. Le Ramadhan, c’est dans deux jours, les espoirs d’un mois sacré exceptionnel sont forts, mais il n’est pas dit que les Algériens traduisent leur maturité politique dans des actions citoyennes d’ampleur nationale. Il est certain, néanmoins, que le Ramadhan 2019 aura sa propre saveur…