Pour la quatrième Coupe du monde de son histoire, la quatrième d’affilée aussi, le Japon vise officiellement une place dans le dernier carré. En est-il capable ? Eléments de réponse avec Philippe Troussier, ex-sélectionneur de la Samurai Blue.
Le Japon peut-il le faire ?
«En théorie, il est impossible pour le Japon de se hisser dans le dernier carré. Dans les faits, les statistiques et l’histoire de la Coupe du monde laissent la place à cette éventualité. En 2002, qui aurait imaginé que la Corée du Sud terminerait 4e et la Turquie 3e ? Selon l’arbitrage et les scénarios des matches, le Japon peut lui aussi bénéficier de ce phénomène.
En plaçant la barre si haute, Takeshi Okada (le sélectionneur nippon, NDLR) a mis ses joueurs devant leurs responsabilités. Il a également créé un engouement en faisant rêver le peuple japonais. Moi, je ne mettrai pas une pièce sur le fait que le Japon ne peut pas y arriver. Ils sont capables de créer l’exploit à l’image d’une équipe de CFA qui affronterait une équipe de L1 en Coupe».
Une équipe en reconstruction
«Depuis 2006, le Japon est rentré dans le rang. C’est une équipe en reconstruction, en retrait par rapport à ses capacités. Le fait qu’il y ait très peu de Japonais qui jouent à l’étranger ne contribue pas à donner de la maturité à cette sélection. Prenons l’exemple des pays africains. Eux travaillent dans les meilleures conditions avec des joueurs habitués à jouer la Coupe d’Europe, au haut niveau.
L’Asie souffre de ça, de ce manque de reconnaissance alors qu’il y a au moins 30 joueurs qui pourraient évoluer dans n’importe quelle L1 ou L2 européenne. Aujourd’hui, le Japon stagne au point de se faire même rattraper par des pays comme le Qatar. Il se situe davantage dans le top 50 que dans le top 20.»
Un style offensif qui le rend vulnérable
«Le Japon propose un style de jeu basé sur l’offensive. Dans leur esprit, pour gagner, il faut dominer, avoir la balle. Ils pratiquent un jeu assez vertical avec des attaques rapides comme des attaques placées. Ça donne parfois des phases de jeu avec six ou sept joueurs devant le but adverse, ce qui les rend très vulnérables sur les contre-attaques.
Ils n’ont pas cette culture défensive et cette capacité à détruire le jeu. En revanche, vous pouvez être sûr que pendant une heure et demie, ils ne lâcheront rien. Ils sont prêts à mourir sur le terrain».
Nakamura ne suffira pas «A mon époque, Nakamura était déjà une star. Il a un pied gauche magique, certainement l’un des meilleurs du monde, une vraie arme sur coups de pieds arrêtés… Maintenant, il faut aussi savoir qu’au Japon, la notoriété est davantage lié au prestige qu’au mérite. Là-bas, c’est une icône médiatique, c’est sur lui que toute la communication repose.
Autant son passage en Ecosse (Celtic Glasgow) a été une vraie réussite, autant son séjour en Espagne (Espanyol Barcelone) n’a pas été concluant. Malheureusement pour lui, son pied gauche n’a plus la même importance.
Aujourd’hui, on demande à un footballeur complet d’être également performant dans les phases défensives et dans ce registre, il est un peu dépassé. Même s’il reste un très bon joueur, ce n’est pas lui qui permettra au Japon de créer l’exploit. S’il y arrive, ce sera par son collectif.
– E. T. et D. Mi.