Le jour où les héros sont tombés comme des mouches

Le jour où les héros sont tombés comme des mouches

Wimbledon a vécu une journée comme il n’est pas prêt d’oublier. Beaucoup de ses héros modernes ont été poussés vers la sortie. John Isner et Nicolas Mahut, auteurs du match le plus fou de l’histoire, ont quitté la scène tristement, tout comme Jo-Wilfried Tsonga, double demi-finaliste. Steve Darcis, bourreau de Rafael Nadal dès le premier jour, n’a même pas pu revenir jouer. Et trois anciens lauréats sont partis par la petite porte, dans l’ordre de disparition : Lleyton Hewitt, Maria Sharapova et Roger Federer. Une journée noire pour certains, une journée verte pour d’autres. En somme, une journée à peine concevable même après l’avoir vécue.

Depuis longtemps, les joueurs se plaignent de l’enchaînement des tournois. Particulièrement entre le printemps et l’été. Quand arrive Wimbledon, les joueurs sortent d’une saison intense sur terre battue où les organismes ont été mis à rude épreuve. Et en général, la saison sur gazon est celle où tout déraille. Les joueurs ont à peine le temps de s’adapter à la surface que Wimbledon arrive, seulement deux semaines après la fin de Roland-Garros. Alors forcément, le terrain est propice aux surprises. Mais cette saison, c’était un véritable ball-trap auquel les spectateurs ont assisté. En trois jours de compétition, ça fuse de tous les côtés. Ce mercredi, quatre forfaits, trois abandons et encore plus de défaites importantes ont émaillé le deuxième tour. En 46 ans de tennis dans l’ère Open, on n’avait jamais vu ça.

D’après les quelques stats qui traînent à ce sujet, il y a eu bien sûr des antécédents. Je vous laisse deviner où… Rien que l’an passé à Londres, dès le premier jour de compétition, cinq abandons à recenser : Daniilidou, Mathieu, Volandri, Starace et un certain Stakhovsky. L’édition 2008 a également été marquée par une hécatombe avec treize joueurs au total sur les deux tableaux confondus, dont douze au cours des deux premiers tours. Dans cette édition 2013, il y en a déjà eu dix. Et le deuxième tour n’est pas encore terminé. Tout semble réuni pour que jeudi scelle un nouveau record dans cet ère Open.

Sachant parfaitement les problèmes que la courte transition terre-gazon engendre, les dirigeants de l’ATP ont enfin décidé de changer ce calendrier qui fait tant polémique, pour donner une semaine de plus entre Roland-Garros et Wimbledon. Mais pas de leur plein gré, parce que les joueurs et joueuses ont tapé du poing sur la table pour freiner ce rythme infernal. Mais ces sept petits jours en plus ne seront pas donnés avant la saison 2015. Est-ce que cela va révolutionner le jeu sur gazon ? J’en doute fortement. Mais c’est toujours mieux que rien. En attendant, Wimbledon restera comme un tournoi du Grand Chelem des extrêmes. Avec des Isner-Mahut qui font 70-68 au dernier set ou des abandons en cascade.

. L’HUMEUR DU JOUR

Je vois déjà fleurir ici et là des commentaires annonçant pour de bon le déclin de Roger Federer. Désolé, mais je ne peux pas m’y résoudre. Il a tellement été capable de tout qu’il n’est pas possible d’être fataliste dans ce débat sans fin. Et pour tout dire, vu le niveau de jeu qu’il a produit en trois jours, je ne suis pas inquiet pour lui. Mais sur ce match, il faut dire que Sergiy Stakhovsky affiche des statistiques incroyables et a été bien plus impressionnant que Steve Darcis face à Rafael Nadal. Le Suisse dit qu’il rebondira. Je suis prêt à parier qu’il y parviendra.

Federer restera lié à jamais à Wimbledon. C’est ici qu’il a gagné son premier et son dernier titre du Grand Chelem (à l’heure actuelle, bien entendu). C’est ici qu’il a réalisé son premier exploit en battant Pete Sampras en huitièmes de finale en 2001. C’est ici qu’il a entamé ses 36 quarts de finale consécutifs en Grand Chelem. Cette improbable série ne pouvait que s’arrêter à Londres. Comme pour achever cette journée dans un dernier acte digne d’une pièce shakespearienne. Il ne pourra que venir ponctuer ici son œuvre entamée il y a dix ans.

. JUSTE POUR SAVOIR

Est-ce vraiment la peine de dire que Serena Williams est la future gagnante de Wimbledon ?

Qui pourra maintenant empêcher Andy Murray de jouer la finale ?

Après avoir vu Stakhovsky, le service-volée est-il vraiment passé de mode ?

Bobby Reynolds-Novak Djokovic au programme jeudi. Nouvelle sensation à venir ?

Caroline Garcia et Mathilde Johansson, face à Serena et Radwanska ce jeudi, c’est vraiment mission impossible ?

Une affiche Mannarino-Paire en huitième de finale, fantasme ou réalité ?

Roger Federer doit-il s’inquiéter pour les Masters de fin de saison ?

. QUELQUES STATS A RETENIR

1. C’est la première fois de l’ère Open que deux des trois têtes de série du tableau dames (Sharapova  et Azarenka) perdent avant le troisième tour.

2. Soit le nombre de jeux qu’a joués John Isner avant son abandon face à Adrian Mannarino au deuxième tour. Loin des 183 du dernier set face à Nicolas Mahut il y a trois ans.

3. C’est tout de même la troisième fois de sa carrière que Maria Sharapova est éliminée au deuxième tour à Wimbledon, après les éditions 2008 (face à la Russe 154e mondiale Alla Kudryavtseva) et 2009 (face à l’Argentine 45e mondiale Gisela Dulko). La quatrième en Grand Chelem (US Open 2003). Et à l’Open d’Australie (2003, 2010) et à Roland-Garros (2003), elle a même déjà été dominée dès le premier tour.

7. Comme le nombre d’anciens numéro un mondiaux à être passés à la trappe ce mercredi dès le deuxième tour : Azarenka, Ivanovic, Jankovic, Sharapova et Wozniacki pour les dames. Federer et Hewitt chez les messieurs.

9. Soit le nombre de têtes de série qui ont été coupées dans la seconde partie de tableau masculin en deux tours. Il reste Murray (2), Almagro (15), Youzhny (20), Monaco (22), Janowicz (24), Paire (25) et Robredo (32). Vous savez, la fameuse moitié de tableau à la densité monstrueuse…