Le marché de la pastèque s’effondre !

Le marché de la pastèque s’effondre !

Les marchands ont augmenté les prix des autres fruits, comme le raisin, la poire et la pomme locale pour compenser les pertes enregistrées sur la pastèque.

La cacophonie qui a régné entre les membres du gouvernement et certains responsables des secteurs de la santé et de l’agriculture au lendemain de la réapparition de dizaines de cas de choléra en Algérie a eu des retombées immédiates sur le marché de la pastèque. Le silence qui a prévalu durant plus d’une semaine au sein des institutions chargées de déclarer obligatoirement le choléra a laissé place à la rumeur, la confusion et la suspicion, créant, du coup, une crise de confiance entre les agriculteurs et les consommateurs. Une crise qui a semé la psychose, notamment sur les réseaux sociaux, et qui a pointé du doigt le parfait coupable : la pastèque. Lors de notre virée, jeudi dernier, au marché d’Oued-Tarfa (Draria), sur les hauteurs d’Alger, rares étaient les commerçants qui proposaient le fruit des prophètes à leurs clients. “C’est le seul fruit de la saison qui reste abordable. Malheureusement, je ne l’achète plus à cause des clients qui l’évitent carrément. Il y a des clients qui ne viennent plus dans mon magasin à cause de la pastèque par peur d’être contaminés”, témoigne un marchand de fruits.

Résultats des courses, les marchands ont augmenté les prix des autres fruits, comme le raisin, la poire et la pomme locale pour compenser les pertes enregistrées sur la pastèque. Ainsi, le raisin de moyenne qualité est passé de 120 et 150 DA à 200 et 250 DA, alors que le raisin de bonne qualité est passé de 250 DA à 350 et 400 DA. “Ce qui se passe sur le marché des fruits est invraisemblable. Malgré les assurances du ministère de l’Agriculture, les clients boudent la pastèque. Au lieu de s’attaquer aux réseaux mafieux qui irriguent ce fruit avec des eaux usées, on achève à la fois l’agriculteur honnête et les marchands de fruits”, explique un autre commerçant au marché d’Ouled Fayet. Pourtant, sur cette route assez fréquentée, la pastèque est proposée à l’unité, à raison de 120, 150 et 200 DA seulement. L’un des commerçans a même apposé un écriteau sur lequel on pouvait litre “notre pastèque n’a pas le choléra”. “Vous imaginez les pertes qu’on subit au quotidien”, s’inquiète ce jeune vendeur de pastèque, affirmant que “les clients boudent aussi le melon. Je suis arrivé jusqu’à faire le cobaye publiquement. Je découpe la pastèque et le melon et je mange pour attirer l’attention des routiers. Ces derniers ne s’arrêtent même pas. Je comprends leurs appréhensions, mais pas au point de rompre la confiance entre les Algériens”. Ce dernier avoue, lui aussi, avoir décidé de se rabattre sur les autres fruits pour compenser les pertes financières qu’il avait subies. Côté clients, la psychose a gagné davantage de terrain. “Je ne peux pas acheter une pastèque de 8 kilos à 150 DA. Le fait de baisser les prix brutalement signifie que la marchandise est infectée. Normalement, l’État doit détruire toutes les cultures mises sur le marché lors de la réapparition du choléra pour mettre fin à la peur. Quitte à ce que les agriculteurs se fassent indemniser, car, à ce rythme-là, je ne l’achèterai plus jamais”, clame un client qui estime par ailleurs que “tant que les agriculteurs indélicats ne sont pas traduits en justice, la crise de confiance aura encore de beaux jours”. Une chose est sûre, à quelques jours de la saison des feuilles mortes, les marchands redoutent, eux aussi, la qualité des eaux d’irrigation des fruits et interpellent les pouvoirs publics pour sauver ce marché qui nourrit des dizaines de milliers de familles.

FARID BELGACEM