Le marché du véhicule à l’heure des quotas des kits d’assemblage : Vers des véhicules plus chers et moins disponibles

Le marché du véhicule à l’heure des quotas des kits d’assemblage : Vers des véhicules plus chers et moins disponibles

Par K. Remouche

Analysée au plan politique, la décision arrêtée par le gouvernement Bedoui d’imposer des quotas dans le montage de véhicules, c’est-à-dire limiter l’importation de kits destinés à l’assemblage de voitures pour préserver les réserves de change du pays, s’avère inappropriée. Pour Mohamed Kessel, expert financier très au fait du dossier automobile, « ce n’est pas à un gouvernement provisoire d’opter pour une telle mesure». «L’Exécutif est chargé de gérer les affaires courantes et non de prendre des mesures aussi importantes dont les retombées seront perceptibles dans un an, voire plusieurs années », ajoute-t-il. « Je comprends le problème de balance de paiement auquel fait face le gouvernement actuel, mais ce n’est pas avec de telles mesures administratives qu’on surmontera cette difficulté ».

En un mot, le spécialiste qualifie cette décision «d’illégitime». Il est clair, selon lui, que cette mesure aura pour impact une augmentation des prix des véhicules, une rareté du produit et une baisse d’activité dans le secteur automobile. Autrement dit, le système des quotas appliqué au véhicule risque de générer la perte de milliers d’emplois. Autre conséquence : la mesure représente un frein au développement de la sous-traitance automobile en Algérie. En effet, elle empêche la constitution d’une taille critique, le montage d’au moins 400 000, voire 1 million de véhicules, en Algérie pour que les équipementiers des constructeurs puissent envisager de s’installer en Algérie et produire les composants de voitures localement. Au lieu de cette décision, le spécialiste suggère une régulation de l’activité de manière intelligente. Cette régulation par le marché passe par la mise en œuvre de solutions plus judicieuses.

En premier lieu, maintenir la pression sur les producteurs locaux de véhicules en vue d’atteindre un taux d’intégration de 40%. Ce niveau devrait être atteint pas au-delà d’un an, suivant la règle : plus le fabricant avance dans l’intégration plus il bénéficie d’un quota plus important de kits. Pour le spécialiste, il est temps que la peinture et l’emboutissage soient effectués dans les usines de montage en Algérie, ce qui ferait progresser de manière significative le taux d’intégration. La solution intégration est la voie royale pour mettre à la disposition des citoyens des véhicules moins chers et pour réduire la facture importation de kits. En second lieu, réinstaurer la TVA et les droits de douane pour les intrants importés. Supposons que la coque au lieu d’être faite localement est importée, le producteur devra payer la TVA et des droits de douane pour pouvoir l’acheter à l’étranger. Une incitation, en somme, pour produire localement les intrants.

Exit donc l’exonération de taxes pour les entreprises locales qui se lancent dans le montage automobile. En troisième lieu, il convient de réinstaurer les importations, mais le véhicule acheté à l’étranger sera soumis à un droit de douane de 100% en cas de véhicule à faible consommation d’essence et 200 à 300% pour les véhicules énergivores. En cinquième lieu, exiger des producteurs locaux un quota, par exemple, de 20 à 40% de véhicules montés en Algérie destinés à l’exportation. Quant à la surfacturation, qui expliquerait que le véhicule importé est, aujourd’hui, plus cher que le produit monté localement, selon plusieurs observateurs de la scène économique, l’intégration permettrait d’endiguer le phénomène. Autre solution pour empêcher la surfacturation dans ce domaine, les pouvoirs publics devraient voir à quels prix les maisons mères cèdent aux autres clients les kits ou éléments entrant dans le montage du produit et non fabriqués localement. L’autre mesure guère judicieuse est la décision d’importer des véhicules de moins de trois ans.

Cette solution encourage, selon lui, le marché noir de la devise et du coup entraînera une perte importante de la valeur du dinar. Optimiste, «il ajoute que le marché algérien pourrait être un eldorado pour les constructeurs automobiles pour peu que les pouvoirs publics maintiennent le cap de l’intégration. En effet, avec les complexes sidérurgiques d’Oran de Tosyali et de Bellara, l’acier pour véhicule sera fabriqué sur place. Or, l’industrie sidérurgique a pour particularité de compter dans le process de production dans une forte proportion sur la matière première énergie. Du coup, eu égard au faible coût de l’énergie en Algérie, l’acier pour véhicule fabriqué localement sera de ce fait le plus compétitif en Afrique du Nord », soutient-il.