Le ministre Hadjar est appelé à intervenir en urgence : Graves dépassements à l’université « Alger 2 »

Le ministre Hadjar est appelé à intervenir en urgence : Graves dépassements à l’université « Alger 2 »

C’est le point le plus noir dans les institutions et administrations algériennes : la bureaucratie qui impose des procédures trop lentes et souvent inutiles. Une réalité qui correspond aussi à un taux d’absentéisme élevé chez les salariés de ces administrations.

Il y en a partout, et les universités sont malheureusement le parfait exemple. Et ils frappent en priorité les nouveaux étudiants, ceux qui n’ont pas des « bras et des coudes ». « Al-maârifa ». En témoigne le nombre de formulaires, procédures et paperasses, exigés par les différents départements des universités. Dans ces administrations, censées orienter et simplifier la vie aux étudiants, les dépassements sont la règle. On savait la dérive généralisée, mais manifestement, cela s’amplifie. L’année dernière, déjà, étudiants et enseignants avaient tiré la sonnette d’alarme en montrant que ces dépassements bureaucratiques ont fortement augmenté. Ce cri d’alarme met en exergue l’incapacité des responsables aux universités devant ce phénomène alors qu’ils ont tous les moyens pour agir.

Un phénomène qui s’amplifie

Mercredi dernier, beaucoup d’étudiants, anciens et en post-graduation, dont certains arrivés des wilayas de l’intérieur du pays, se sont dirigés au département de langue arabe et langues orientales (université Alger 2), pour avoir des documents leur permettant de continuer leur dossier de master ou de doctorat. Problème : l’agent chargé de la pédagogie est absent, son bureau est fermé. Sans préavis, les étudiants se sont retrouvés livrer à eux-mêmes. Les agents des autres bureaux ont tout simplement refusé de fournir la moindre information. « Il n’est pas là, je n’en sait rien. Et je ne veux pas m’en mêler ». Une réponse à laquelle est confronté tout demandeur après le soi-disant monsieur qui occupe ce bureau. La situation est néanmoins ahurissante, comme l’avait constaté sur place « Le Courrier d’Algérie».

À ces manquements de professionnalisme, l’indifférence des agents de l’administration est accompagnée par une complicité maligne, où chacun évitait de dénoncer son collègue absent de son poste.

Bureaux fermés, téléphone éteint

Un agent supplétif, recruté depuis un mois seulement, devrait remplacer l’agent absent, mais devant son inexpérience, il tentait, sur insistance des étudiants désœuvrés et las d’attendre, d’appeler l’agent absent. En vain, son téléphone est éteint. L’agent supplétif finira alors par déserter son bureau à 12H pour fuir les interrogations des étudiants qui ne cessent d’arriver. Pendant ce temps, entre le premier étage et le rez-de-chaussée du bâtiment administratif, un étudiant, de Bordj Bou-Arreridj, effectuait d’interminables va-et-vient entre le bureau du doyen et celui de la présidente du département de langue arabe. Celle-ci aurait refusé de lui délivrer « une attestation de classement », pourtant recommandée et approuvée par le doyen lui-même. Cet étudiant, qui a obtenu sa licence à Alger mais qui vient de décrocher son concours de doctorat à l’université de Bordj Bou-Arreridj doit avoir ce document avant ce dimanche s’il ne veut pas perdre son poste.

Un délai qui semble impossible : le lendemain étant le jeudi ; 1er novembre – férié -, ensuite le week-end, des journées dans lesquelles ne travaille pas l’administration. Vers 13H, alors que tous les employés sont presque tous partis chez eux – normalement le temps de fermeture des bureaux c’est 15H -, des parents d’une jeune étudiante arrivent pour l’inscrire au master. Ils viennent de Médéa. Personne pour les accueillir, personne pour les orienter, le vigile s’est contenté de leur conseiller de revenir un autre jour, car il n’y a personne. En état de nervosité extrême, les parents insistent pour voir le recteur. Ils attendent dans l’escalier-même l’arrivée de ce dernier, qui ne se pointait qu’aux environs de 14H 30, mais pour reprendre son cartable et quitter son bureau lui aussi. Rappelons que le vice-doyen de ce même département a démissionné depuis un mois. Son non remplacement à causé d’autres problèmes bureaucratiques : beaucoup d’attestations et de dossiers ne sont pas signés et un délai d’attente qui s’allonge au grand dam des étudiants. Le département de langue arabe et langues orientales se situe à l’ancienne faculté de droit à Ben Aknoun, il renferme tous les dossiers de pédagogie et archives des facultés de Béni Messous et Bouzaréah.

Paperasses et procédures très éloignées de la réalité

Paperasses parfois inutiles, des procédures différentes à suivre d’une université, un département à un autre, et des horaires d’ouverture de l’administration aussi très limités que non respectés. Un véritable calvaire. Et la liste des contraintes bureaucratiques continue. Les promesses de généralisation de l’informatisation de l’université algérienne et l’assouplissement des procédures sont très éloignées de la réalité. Des étudiants interrogés au sein de cette université ont fait même part de pratiques discriminatoires et incriminées. Par exemple : un étudiant nous a avoué qu’après un va-et-vient fatiguant au bureau du président du département de langue arabe pour obtenir la signature de son «attestation d’interruption de scolarité», il lui a suffi de faire la connaissance de quelqu’un d’une organisation estudiantine pour régler rapidement son problème. « Il m’a juste accompagné et présenté auprès de la présidente du département, pour que celle-ci daigne signer mon attestation sans me demander de revenir un autre jour », a-t-il confié sous anonymat. Le recours à ce genre de moyens semble même être recommandé par certains fonctionnaires ici, nous confient d’autres étudiants. Telle est donc la situation aujourd’hui.

Des responsables qui ne réagissent pas

Le doyen de ce département de langue arabe et langues orientales a pourtant, à sa disposition, tous les moyens – de l’avertissement des fonctionnaires au blâme, jusqu’à la mise de fin de contrats des administratifs fautifs –pour réagir. Il ne les aplique pas. Un «avis aux fonctionnaires», signé par le doyen et le président du département, est pourtant accroché au mur devant l’entrée des bureaux : « nous avons constaté récemment un flagrant laisser-aller dans les différents services de l’administration et surtout l’absentéisme élevé des agents qui quittent leurs bureaux tôt avant le temps réglementaire. De ce fait, les enseignants et étudiants sont obligés d’attendre longtemps devant des bureaux fermés sans avoir à obtenir leurs paperasses (…) Nous insistons sur le fait de respecter les horaires de travail, faute de quoi, des mesures légales et adéquates seront prises contre les réfractaires ». Mais qui peut le croire, tant la situation est gangrénée ?

Hamid Mecheri