Sans recourir aux actions radicales, le mouvement citoyen gagne ses duels contre le régime, et ce, malgré le jeûne, la répression et les tentatives de déstabilisation.
Ce vendredi, la mobilisation citoyenne a été très forte, à Alger et ailleurs. Les événements de la semaine (répression des étudiants, fermeture de l’accès à la Grande-Poste et les discours du chef de l’institution militaire) ont induit, indubitablement, un effet catalyseur sur le peuple. Dès que l’information, portant interpellation, par la police, de dizaines de manifestants aux premières heures de la matinée d’avant-hier, a circulé sur les réseaux sociaux, des habitants d’Alger-Centre ont investi la placette de la Grande-Poste. Ils ont mis instantanément un frein aux arrestations, selon des témoignages. À la sortie des mosquées, une véritable marée humaine a rempli les espaces publics.
La manifestation a fait un bond quantitatif, comparativement aux deux précédentes semaines du Ramadhan, mais aussi qualitatif. Les slogans ont exprimé un rejet inconditionnel d’une élection présidentielle organisée par “la bande”. Ils ont ciblé essentiellement Ahmed Gaïd Salah et… la police. Dans ses trois derniers discours, le général de corps d’armée a insisté sur l’impératif de tenir la présidentielle dans les délais fixés par l’article 102 de la Constitution, a exhorté le mouvement populaire à choisir ses représentants et a jugé sa revendication liée au départ de tous les symboles du système “irrationnelle et irraisonnée”.
Ses compatriotes lui ont répliqué de manière cinglante et parfois irrévérencieuse. La violence des forces de sécurité contre les étudiants, qui ont marché mardi 21 mai sur le Palais du gouvernement, leur a valu la désaffection du peuple. Aux abords de l’APN et du Conseil de la nation, des dizaines de milliers de marcheurs ont planté face aux Casques bleus des banderilles incisives : “Ce sont des étudiants, pas des terroristes” ; “La police a réprimé les étudiants”… La fermeture de l’accès aux escaliers de la Grande-Poste a été également mal perçue par les Algérois. Ils ont décelé, dans la promptitude des services de l’APC d’Alger-Centre à installer un chantier à cet endroit, une tentative de priver le mouvement du 22 février de ses lieux cultes.
Ne désirant point provoquer de situation d’affrontement avec les Casques bleus, déployés en grand nombre autour de l’édifice, des dizaines de milliers de manifestants ont marché de la place du 1er-Mai vers la place des Martyrs — autre symbole de la lutte pour la libération nationale — sur une distance d’environ 2 kilomètres aller-retour. À chaque fois que les autorités s’expriment ou agissent dans le cadre de la feuille de route officielle, le peuple riposte massivement le vendredi et gagne ses duels. Aura-t-il assez d’endurance pour venir à bout d’un régime coriace ?
Les pronostics lui sont plutôt favorables. Encore un vendredi, et la parenthèse Ramadhan sera fermée. Ce qui sous-entend que les citoyens, incommodés par les effets du jeûne, renoueront fatalement avec la démonstration de rue. L’été enregistre, par ailleurs, une affluence importante de ressortissants algériens installés à l’étranger, et qui ne jurent, pour la majorité, que par les marches du vendredi au bled. Les prochaines semaines seront probablement pénibles pour le régime, sauf s’il se rend à l’évidence et se plie aux exigences du peuple.
Souhila H.