Ils étaient nombreux à avoir fait un pari perdant, celui de l’essoufflement du mouvement populaire. Les millions de personnes sorties pour le treizième vendredi de suite apportent un cinglant démenti aux plus sceptiques. Le mouvement de contestation ne s’essouffle pas. Il se nourrit selon politologues et politiciens de l’effondrement du mur de la peur, du goût de la liberté et d’un rapport de force favorable à la rue.
Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Ce deuxième vendredi de mobilisation en plein mois de Ramadhan avait, une fois de plus, valeur de test. Les millions de personnes qui sont sorties dans la rue l’ont réussi avec brio.
Pourtant, il y a quelques semaines, la question était sur toutes les lèvres : le mouvement résistera-t-il aux contraintes imposées par le jeûne ? La mobilisation sera-t-elle toujours aussi forte ? Le doute n’aura survécu que très peu puisque la preuve de la bonne santé du mouvement a, une fois de plus, été donnée.
Pour Abdelaziz Djerad, politologue, le maintien de la mobilisation, son ampleur et sa durée trouvent leur explication dans ce qu’il qualifie de « toile de fond » qui est la résultante de l’accumulation de crises et de problèmes n’ayant pas trouvé de solutions en temps opportun.
Pour le politologue, cette situation n’a été rendu possible qu’après avoir franchi « le cap de la peur ». Il assure en effet que « le peuple et la société se sont soulevés de manière pacifique après avoir franchi le cap de la peur et ne veulent plus s’arrêter. Ils veulent un changement profond pour trouver des solutions et orienter le pays vers un système politique social culturel plus juste qui permettent aux Algériens de vivre dans un pays serein et visible ».
Les millions de personnes qui sont dans les rues sont, dit-il, portées par « un espoir très fort et un sentiment très profond ». La preuve ? «Aucun problème de développement ou d’ordre social n’a été soulevé lors des marches parce que les Algériens savent que cela pourra être réglé plus tard .»
Il y a, selon Abdelaziz Djerad, un autre aspect important. Nous assistons, dit-il, à l’émergence d’une jeunesse qui aspire à plus de modernité et à vivre mieux et qui ne veut plus se suffire des solutions individuelles ou du « chacun pour soi ». Ahmed Adimi, docteur en sciences politiques et porte-parole de Talaie El Hourriyet, évoque également ce mur de la peur qui s’est effondré. Il explique que « l’effet psychologique et la peur n’existent pas. Le peuple a goûté à la liberté et ne veut plus y renoncer. Il s’est approprié l’espace public pour imposer ses revendications d’une manière très civilisée.
Ce peuple a conscience aujourd’hui qu’il est plus puissant que le pouvoir et ses instruments. Il ne se taira plus jusqu’au départ de toutes les figures du pouvoir ». Adimi ajoute que « la lutte continue. Le mouvement se porte bien. Le peuple ne recule pas en attendant que les revendications soient satisfaites. C’est le changement qui est réclamé. Il n’y a pas de pouvoir qui cède facilement mais le rapport de force est en faveur du peuple. C’est la première fois que le pouvoir se retrouve en position du donnant-donnant et c’est lui qui est forcé aujourd’hui de faire des propositions ».
N. I.