Malgré son importance croissante sur la scène mondiale, la migration internationale n’est pas la seule migration, ni même la principale, selon des études d’organismes et institutions spécialisés, qui relèvent que la grande majorité des personnes qui émigrent «le font à l’intérieur des frontières de l’État où elles sont nées.»
Selon le programme des Nations unies (ONU), pour le développement (PNUD) publié, en 2009, plus de 740 millions de personnes sont des migrants internes, une réalité puisant son origine, selon la même source, de l’explosion urbaine sur des continents, citant à titre d’exemple, l’Afrique et l’Asie. Et pour l’Organisation internationale de la migration (OIM), Les raisons de la migration peuvent être diverses et les migrations «ont toujours existé dans l’histoire humaine», tient souvent à le rappeler cet organisme de l’ONU. Juillet dernier, l’institution onusienne a présenté, à l’ensemble de ses membres, le «Pacte mondial des migrations sûres, ordonnées et régulières.» Document s’étalant sur 23 points, le Pacte devrait être soumis pour adoption, lors d’un sommet des chefs d’État et des gouvernements, prévu mi-décembre prochain, en vue d’apporter une réponse aux situations vécues par les migrants et les pays dont ils sont originaires ainsi qu’aux pays vers lesquels ils se dirigent. Le Pacte mondial en question, offre, selon ses initiateurs, une opportunité «d’améliorer la gouvernance en matière de migrations» et «de faire face aux défis qui sont associés aux migrations d’aujourd’hui», et aussi «renforcer la contribution des migrants et des migrations dans le développement durable.»
Par cette acte, adopté le 13 juillet dernier, par les Nations unies, l’ensemble de ses membres ont reconnu la nécessité d’une meilleure coopération multilatérale, et donc au niveau bilatéral, aussi, sur la question de la migration. En s’accordant sur ce pacte, à l’exception des États-Unis, faut-il le rappeler, l’ensemble des pays membres de l’Onu se sont accordés sur l’un des sujets marquants le devant de la scène politico-médiatique et diplomatique mondiale, et le plus controversé de l’heure, notamment avec le nombre effroyable de migrants victimes de leurs périples risqués et le durcissement des politiques migratoires en Europe ou aux États-Unis. Document non contraignant devant être adopté formellement, décembre prochain, les 192 États membres de l’ONU se sont engagés à œuvrer pour une meilleure coopération, en vue de réduire le rythme de ce phénomène, notamment en misant, comme le soulignent des experts, sur des actions et des programmes effectifs en faveur du développement des pays dont les migrants sont originaires. C’est ainsi, selon toujours des experts et des responsables, dont ceux de l’ONU ou d’ONGs en charge de porter aide à ces migrants, en Europe, en Amérique Latine, en Afrique, que l’objectif de réduire la migration irrégulière, sans omettre d’insister sur la lutte contre ceux qui profitent du phénomène de la migration illégale, les réseaux de trafic d’êtres humains, d’armes et de drogue et du terrorisme. Selon les derniers chiffres de l’ONU, les migrants représentent 3,4 % de la population mondiale soit 258 millions de personnes et ces 3,4% contribueraient à plus de 9% du BIP de la planète.
Le trafic de migrants a généré, en 2016, 7 milliards de dollars pour les réseaux de trafiquants et le crime organisé transnational, selon l’ONUDC
Alors qu’il quitte sa famille, son quartier, son village et son pays, de peur de finir mort, comme son frère, son cousin, ou son camarade de classe et à l’université, le migrant décide de prendre le chemin d’une aventure, non pas pour aller à la découverte du monde et de ses merveilles, mais celle qui porte en elle, les germes d’une mort certaine, sur les chemins périlleux de son parcours, de la terre ferme jusqu’au milieu du grand bleu. Un parcours que l’oiseau migrateur réussit à parcourir, en regardant d’en haut, ces milliers de personnes qui meurent, avant d’atteindre le point final de leur voyage, lequel a été, pour la seconde fois, accompli par l’oiseau migrateur, après une saison passée, pour revenir au bercail, que le migrant décédé, ne reverra plus jamais. Les ressources issues de l’immigration clandestine constituent une part importante des moyens d’action des groupes terroristes qui sévissent notamment dans la bande sahélo-saharienne, notamment par l’intégration des migrants au trafic de drogue et d’armes, des activités illégales qui sont légion, dans cette partie d’Afrique. Des données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) indiquent que le trafic de migrants a généré 7 milliards de dollars pour les trafiquants en 2016. Aussi L’OIM a fait état, dans ses rapports, que durant l’année 2017, ce sont 8 753 migrants clandestins, dont 1 263 femmes et 1474 mineurs, qui sont partis de la Côte d’Ivoire sur les chemins de la mort.
Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur des pays, à cause de la guerre et Des persécutions, a atteint plus de 40 millions en 2017
Combien y a-t-il de réfugiés et aussi de personnes déplacées? Ils étaient 40 millions de personnes à s’être déplacés, en 2017, à l’intérieur, à cause des guerres ou les persécutions tandis que le nombre de réfugiés a dépassé 22,5 millions. Ces données sont les plus élevées concernant les réfugiés et les personnes déplacées que la planète ait connues depuis la Seconde Guerre mondiale. Encore une fois, si nous ne prenons que leur nombre total, nous perdons de vue l’aspect qui a changé, c’est-à-dire leur augmentation rapide en raison des guerres et des violations systématiques de tous les droits humains en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Yémen, au Congo (RDC)… etc. Si 244 millions de personnes sont des migrants internationaux et 740 millions des migrants internes, il semble évident que par la simple force des chiffres, la migration est une conséquence inévitable et directe de l’étendue du fossé des inégalités, notamment entre le Sud et le Nord, qu’engendre le système économique mondial. Pour des experts internationaux, s’appuyant sur des chiffres notamment d’organismes onusiens, (tel : OIM) indiquent que tant que la mondialisation telle qu’elle est menée, notamment «de façon de ciseler l’économie mondiale» demeurera à ce rythme qu’imposent les dominants de l’économie mondiale, «il n’y aura pas moyen d’éviter les départs ou les arrivées», ni de mettre, précisent-ils, plus d’«ordre» dans les uns et dans les autres car, selon eux, c’est ce «désordre même» qui caractérise l’économie mondiale et la mondialisation.
Il est utile de rappeler, par ailleurs, que des études ont mis en avant qu’au cours de ces 30 dernières années, dans les pays les moins avancés ou en développement, notamment en Afrique et Amérique Latine, des millions de personnes ont été dépossédées de leurs moyens de subsistance traditionnelle et d’autres ont subi la saisie de toutes les ressources naturelles de leur environnement.
D’autres ont été «expropriées et poussées», est-il indiqué, souvent par les grands ouvrages, notamment des multinationales, -barrages avec effet sur les rivières, les zones de pêche polluées à l’extrême par le développement d’entreprises qui déversent «librement» leurs déchets toxiques, l’extension des cultures de rente comme le soja, à migrer et à s’entasser autour des villes. Et pour revenir à un système économique mondial, accentuant les inégalités, entre les différentes régions du monde, notamment entre le Sud et le Nord, dans l’un de ses rapports, Oxfam rapporte que le monde enregistre 8 hommes, possèdant la même richesse que celle des 3,6 milliards de personnes, soit la moitié de l’humanité. Depuis 2015, le 1% le plus riche de la population mondiale est plus riche que le reste du monde et c’est au cours des 20 prochaines années, que 500 personnes légueront 2,264 billions de dollars à leurs héritiers, une somme qui dépasse le PIB de l’Inde, un pays comptant 1,3 milliard d’habitants. Rien qu’aux États-Unis, au cours des trois dernières décennies, les 50% des plus pauvres de la population ont vu leurs revenus gelés, tandis que ceux des 1% les plus riches ont augmenté de 300% au cours de la même période.
Karima Bennour