« ABDA ». « Je commence ». Le groupe Nabni a présenté mardi matin au siège d’Interface Media à Alger, un plan d’urgence 2016-2018 en « douze chantiers » pour amorcer un ajustement « national » de l’économie sans attendre qu’il ne soit imposé, douloureusement, comme dans le début des années 90, par le FMI.
« On aurait pu réformer au cours des dernières années sans sueur, maintenant il en faut. Il faut le faire vite si l’on veut éviter dans les prochaines années des mesures drastiques qui se feront dans les « larmes et le sang », a indiqué en substance Abdelkrim Boudraa, porte-parole de Nabni.
Aujourd’hui, le « statu quo n’est plus soutenable ». Le Fonds de Régulations des recettes (FRR) va s’épuiser en 2017 et les réserves de change pourraient descendre à 9 milliards de dollars dans quatre ans si le baril chute à 50 dollars et last but not least « il est possible qu’au cours de la décennie 2020 nous n’aurons plus de gaz à exporter ».
Le groupe Nabni qui refuse le qualificatif de « libéral » dont on l’affuble note que la réaction des pouvoirs publics à la crise ne reflète pas une « prise de conscience de la gravité de la situation ». « Nabni propose des mesures où l’Etat est central et où la justice sociale est une préoccupation sociale centrale. Nous réfléchissons en mesures pragmatiques ».
L’inaction, estime le think tank, le refus de la réforme ne constituent pas un moyen de préserver le modèle économique et social souhaité par l’Algérie.
Il faut « commencer », d’où l’acronyme ABDA donné à ce plan d’urgence qui se veut pragmatique, « modeste » mais qui constituerait un vrai signal envoyé aux algériens que le « virage » vers la sortie de la rente est entamé. Que le bateau Algérie va éviter l’iceberg qui est déjà-là!
Il faut arrêter d’entretenir les illusions et de dire par exemple que le « sous-sol » algérien n’a pas dit son dernier mot, a lancé Boudraa, en soulignant la précarité du système social (retraite, santé, salaires) algérien. On risque si on ne fait rien, explique-t-il, de « perdre la classe moyenne algérienne » qui a été récréée artificiellement avec l’aisance financière de la dernière décennie. Il faut avoir le « courage d’arrêter ce qui ne marche pas » car on n’a plus « les moyens de gaspiller ».
Des subventions inégalitaires… à l’aide directe
« Injecter de l’argent dans des entreprises publiques déstructurées » n’a pas de sens, estiment les trois experts de Nabni qui présentaient le plan d’urgence, « par contre, il faut investir pour agir sur la gouvernance des entreprises publiques ».
Nabni estime qu’il faut s’attaquer au dossier des subventions, thème sensible sur lequel ils sont suspectés d’aller dans le sens des mesures antipopulaires prônées par les libéraux. Ils s’en défendent avec force. Ils relèvent qu’on ne sert pas les plus démunis en défendant le modèle de subvention généraliste qui profite surtout à ceux qui n’en ont pas besoin.
La subvention « généraliste » est un choix de facilité et d’injustice sociale, estiment-ils. « Il faut mener une politique ciblée et apporter une aide monétaire directe à ceux qui en ont besoin. « Il y a trop d’argent public qui est distribué », a relevé Mabrouk Laïb.
« Nous ne suggérons pas de renoncer au soutien des catégories démunies et nous ne proposons pas des mesures libérales drastiques. Bien au contraire, nous disons qu’il faut bien gérer l’argent public car nous n’avons plus les moyens pour gaspiller », a ajouté Abdelkrim Boudraa.
Une politique d’aide ciblée au plus démunis est « faisable » affirment-ils. Le prix bas de l’énergie incite au gaspillage notent-ils, alors qu’il est possible d’agir sans que l’algérien moyen ne soit affecté. Plus on tarde à agir sur ces questions et plus douloureux sera le remède dans les prochaines années.
Le groupe Nabi constate que la « capacité de mise en œuvre des réformes est faible », « l’Etat et institutions sont affaiblis », une « mue instantanée » de l’administration est inimaginable. Le plan d’urgence présentée vise donc à commencer « petit » par des mesures de bon sens par faire face à la crise.
Incohérence
Il faut « décaler » certains projets coûteux qui n’ont pas d’impact économique comme l’autoroute des Haut-Plateaux, geler la « croissance réelle » des dépenses de fonctionnements.
Nabni appelle à mettre fin aux entraves à l’investissement productif comme l’application de manière générale de la règle du 51/49%. L’Algérie, relève Lyes Kerrar, a ouvert son commerce extérieur. Elle fait preuve d’incohérence en créant des entraves à l’investissement alors que le commerce est libre. Cette règle devrait être réservée à quelques domaines « précis ».
Nabni prône également d’abolir le CNI (conseil national de l’investissement) et de mettre sur le marché « l’offre de foncier industriel en possession de l’Aniref ». Il faut également mettre fin aux « aux subventions indues, les niches fiscales et autres transferts inefficaces aux entreprises privées et publiques ».
Nabni suggère que la mise en œuvre de ce plan d’urgence soit confiée à une équipe restreinte de 10 à personnes qui agirait au niveau de la Présidence ou du chef du gouvernement. Il faut commencer vite. Encore faut-il que le pouvoir politique soit convaincu qu’il y a urgence à agir….