Le plus grand volcan du monde se cachait sous les eaux du Pacifique

Le plus grand volcan du monde se cachait sous les eaux du Pacifique

C’est un peu comme si on découvrait l’éléphant après avoir répertorié toutes les espèces de fourmis… A l’heure où les satellites scrutent chaque point de la Terre, à l’heure où Google Maps zoome sur votre jardin, il y a quelque chose de paradoxal à annoncer la découverte de ce qui est – pour le moment – le plus grand volcan du monde.

C’est pourtant ce qui vient d’arriver, jeudi 5 septembre, par le biais d’une publication dans la revue Nature Geoscience. Comme l’explique l’équipe américano-japonaise qui en est l’auteur, il y a une bonne raison à n’avoir identifié pareille structure géologique qu’en ce début de troisième millénaire : éteint depuis très longtemps, le « monstre », ainsi que ces chercheurs le décrivent, se cachait sous la surface de l’océan Pacifique.

Il faut se projeter à quelque 1 500 km à l’est du Japon et plonger à 2 000 mètres de profondeur pour voir le sommet de Shatsky Rise. Il s’agit, dans le langage de la géophysique, d’un plateau océanique et on peut le décrire comme une chaîne de montagnes sous-marines d’environ 900 km de long. Shatsky Rise est composé de trois massifs principaux, Tamu, Ori et Shirshov. Le premier est de loin le plus grand et le plus ancien. Des carottages ont montré qu’il datait de 145 millions d’années. Son nom, Tamu, peut paraître exotique, mais il s’agit en fait de l’acronyme de la Texas A&M University, qui a mené plusieurs campagnes à son sujet et où travaille William Sager, le premier auteur de l’étude publiée par Nature Geoscience.

Tamu est une espèce de grand plateau oblong et bombé, aux pentes assez douces, large de 450 km et long de 650. Les carottages qui y ont été menés disent qu’il est composé de roches volcaniques, d’immenses coulées de basalte peu visqueux. Jusqu’ici, on croyait que cette gigantesque protubérance était due à la juxtaposition, à la fusion, de plusieurs volcans voisins les uns des autres. Ce genre de phénomène est assez fréquent et il a par exemple donné naissance à l’île d’Hawaï, composée de cinq volcans, ou, plus près de nous, à l’Islande. Mais William Sager et ses collègues avaient une autre idée. Les informations apportées par les carottages étant limitées, ils sont passés à une autre méthode d’exploration, la méthode sismique, communément employée par l’industrie pétrolière en quête de nouveaux gisements. Ils ont eu la chance de pouvoir participer à deux campagnes océanographiques au-dessus de Shatsky Rise, en 2010 et 2012, au cours desquelles ils ont « sondé » les massifs sous-marins grâce à des explosions provoquées par des canons à air comprimé.

L’analyse des ondes réfléchies par les roches a permis de faire l’échographie du massif Tamu et de s’apercevoir qu’il ne s’agissait visiblement pas d’un conglomérat de volcans. Au contraire, toutes les coulées de lave semblaient bien provenir du sommet du massif, ce qui impliquait une et une seule cheminée magmatique. Un seul volcan donc, et gigantesque. D’une surface de plus de 300 000 km2, soit l’équivalent de la superficie d’un pays comme l’Italie ou la Pologne, le Tamu fait presque jeu égal avec le géant du Système solaire qu’est le volcan martien Olympus Mons. Si ce dernier était posé sur la France, il irait de Paris à Montpellier et de l’embouchure de la Gironde jusqu’à la frontière suisse. Ceci dit, il existe une différence de taille entre le Tamu et Olympus Mons : si tous les deux sont des « volcans-boucliers », le premier atteint péniblement les 4 km de haut, tandis que son homologue martien, nettement plus bombé, dépasse les 20 km ! Même si William Sager ne désespère pas de pouvoir trouver plus vaste encore que le Tamu, il y a peu de chances que la hauteur d’Olympus Mons soit jamais dépassée.

Si l’on met de côté la course un peu futile au record, l’étude est intéressante en ce qu’elle montre que le géant martien a au moins un homologue sur Terre. Un édifice tel que le Tamu lance d’ailleurs un défi aux chercheurs qui doivent expliquer comment il a été possible de cumuler en un seul point autant de magma en relativement peu de temps, puisque la construction de Shatsky Rise (2,5 millions de kilomètres cubes) s’est faite en quelques millions d’années. Au-delà de ces considérations scientifiques, on peut aussi s’interroger sur la connaissance finalement superficielle que nous avons de notre propre planète. En effet, en seulement quelques jours, on découvre coup sur coup un immense canyon de 750 km de long et de 800 mètres de profondeur sous la calotte glaciaire du Groenland, puis le plus grand volcan du monde. Terre, nous caches-tu d’autres éléphants ?