Le pouvoir et son étrange accès de violence

Le pouvoir et son étrange accès de violence

À l’échauffourée de l’Assemblée nationale au moment du vote pour la loi de finances 2016 a succédé la brutalité de la manifestation-répression des ouvriers de la SNVI. Quelqu’un ne s’est pas empêché de faire le lien entre l’agressivité des protagonistes des deux événements.

On ne s’en rend peut-être pas compte, mais la violence est en train d’envahir la scène politique et sociale. Parce que l’on oublie toujours qu’en matière de vie publique, la violence verbale précède toujours la violence physique. Tout en lui préparant le terrain, la première annonce la seconde.

Et sur ce sujet, les porte-paroles attitrés du régime n’ont pas été avares de vocabulaire virulent à l’encontre des opinions adverses et des initiatives critiques. Ces derniers mois, ceux qu’on peut appeler “les hommes du Président”, et qui reviennent régulièrement accabler ceux qui contestent la politique de Bouteflika, sa capacité à assumer les contraintes physiques de sa fonction ou sa maîtrise des événements, se sont montrés d’une étonnante agressivité à l’encontre des détracteurs du régime.

Louisa Hanoune, dont l’ardeur ne la pousse pourtant pas jusqu’à la remise en cause de la légitimité de Bouteflika, constitue une cible privilégiée des ces intermittents tirs de barrage de la garde prétorienne. Depuis l’invitation à “fermer sa g…” lancée par un membre du FCE, jusqu’à la dernière salve décochée contre elle par Saâdani, la chef du PT a concentré sur elle toute la hargne de la “communication institutionnelle”. On remarquera que l’invective a, dans ce “dialogue”, largement remplacé l’argument. Qui aurait dit qu’un jour, ce serait le chef du parti du pouvoir qui ferait le reproche, réputé infamant, à un autre chef de parti de “tout devoir à son parrain”, allusion évidente au général Toufik ?! Le moins que l’on puisse dire, c’est que le sérail ne s’embarrasse plus de réserve dans la manière de défendre ses positions acquises.

Le spectacle offert par l’Assemblée nationale en guise de séances d’approbation de la loi de finances illustre le mépris des règles par un pouvoir qui a choisi de se délier des dernières contraintes de forme dans l’expression de son autoritarisme.

Ce qui est dangereux dans ce style agressif, c’est la surenchère provocatrice qui met en compétition des acteurs politiques rivalisant de disponibilité à défendre le chef suprême du régime. Parce qu’ils savent leur destin politique attaché à celui de Bouteflika, ils élèvent la question du président de la République au rang de tabou. Et ainsi, eux-mêmes deviennent intouchables “par destination”, comme on dit en droit.

Nous nous retrouvons ainsi dans cette situation où un pouvoir qui s’est montré tant soucieux de la “paix civile”, en ce qu’elle assure sa “stabilité”, devient la première source d’expression politique violente. Étrange, non ?

M. H.