Le ciel bleu des relations algéro-tunisiennes s’est subitement assombri au zénith de cet été.
Alors que la protesta bat son plein aux frontières algéro-tunisiennes et ce depuis plusieurs semaines déjà, le silence tombal du président tunisien Beiji Caid Essebssi est pour le moins intrigant. Rappelons que les scandaleuses mesures imposées par les douanes tunisiennes aux touristes algériens ont engendré une vague de protestation qui a déferlé sur tous les postes frontaliers à l’est du territoire national. Les 30 DT malencontreusement exigés de nos nationaux véhiculés qui transitent aux postes frontières, puis la fermeture, sans préavis, des barrières devant les exportateurs algériens, auront constitué les ingrédients d’un poison qui a envenimé les relations entre les deux pays et gâché l’été à de nombreux citoyens. Rançonner de la sorte nos compatriotes puis fermer le passage devant les opérateurs économiques auront grandement offensé la partie algérienne. Face à la surenchère tunisienne, les populations de la bande frontalière et des associations sont montées au créneau et ont crié leur colère, réclamant des autorités algériennes d’intervenir sans plus tarder auprès de leurs homologues tunisiennes et ce, afin d’abolir les mesures que l’on qualifie sans plus ni moins d’excessives sinon absurdes. Des députés se sont saisis de l’affaire et le dossier est, désormais, sérieusement traité en haut lieu, côté algérien.
L’on croit même savoir que la question est inscrite à l’ordre du jour du Conseil du gouvernement, prévu le 24 août prochain. Tout ce bataclan ne semble, hélas, pas émouvoir le président tunisien qui se mure dans un silence, pour le moins troublant, notent les observateurs. Ces derniers vont jusqu’à dire que Caid Essebssi adopte là une position suicidaire, car en optant pour cette attitude inconsidérée il ne fait que scier la branche sur laquelle il est assis. Pourquoi ce dernier demeure-t-il de marbre face aux appels qui lui sont lancés? s’interroge-t-on tout en poursuivant: pourquoi le chef d’Etat tunisien ne fait-il pas part d’un message salvateur devant le branle-bas de combat qui se déroule au seuil de ses portes ouest? Un discours de sa part aurait été le bienvenu, et ce afin de désamorcer ce qui semble devenir un sérieux problème aux frontières, ajoute-t-on par ailleurs.
Et les mêmes observateurs de nuancer néanmoins: Caid Essebssi qui se tapit dans l’ombre ne préparait-il pas un autre coup de poignard dans le dos aux Algériens? Ce serait alors le comble de la dérision surtout que les précédents de sa part sont légion. Lui qui a déroulé, au plus fort de la crise sécuritaire en Tunisie et en Libye le tapis rouge à l’ex-président français Nicolas Sarkozy qui a osé offenser devant les caméras tunisiennes l’Algérie. «La Tunisie est frontalière avec l’Algérie (et) avec la Libye. Ce n’est pas nouveau (…) Vous n’avez pas choisi votre emplacement» avait-il déclaré sous les auspices de son hôte tunisien. On ne permet pas à des invités d’insulter un voisin, et quel voisin? L’Algérie avait-on à juste titre relevé, alors. N’est-ce pas sous le couvert du silence que la Tunisie s’est vu à un moment proposer par le puissant Etat américain le statut de membre privilégié de l’Otan dans la région du Maghreb? Une proposition formulée par Barack Obama à Beiji Caid Essebssi dans les bureaux capitonnés de la Maison-Blanche. «C’est une très mauvaise nouvelle pour notre pays», avaient alors réagi les experts à Alger. Ceci pour dire que le silence n’est pas toujours d’or lorsqu’il est cultivé par notre voisin de l’Est. Ce ne sont là que quelques couacs bien tunisiens qui dénotent d’une mystérieuse cabale, surtout que leur occurrence a lieu à un rythme relativement soutenu.
En effet, le ciel bleu des relations algéro-tunisiennes s’est subitement assombri au zénith de cet été. Les deux pays qui filaient le parfait amour s’embrouillent de plus belle. Ce qui pousse les plus avisés des observateurs à croire à la manigance en vue de créer la discorde entre les deux pays que rattachent des liens séculaires. Dans l’absolu, l’Algérie et la Tunisie ne souffrent d’aucun mal qui ronge leurs racines ancestrales. Les peuples algérien et tunisien ont d’ailleurs depuis longtemps compris que leurs destins étaient liés depuis la nuit des temps, et l’histoire contemporaine l’aura éloquemment prouvé à la faveur des bombardements de Sakiet Sidi Youcef en 1958, lorsque le sang des deux peuples frères a coulé dans le village tunisien.
Et c’est au nom de ces liens que l’histoire a sacralisés que l’on estime que le peuple tunisien a le droit de ne pas subir les errements de ses responsables qui eux obéissent, tant les évènements le prouvent, à des lobbies et autres think tank occidentaux. Poussés par ces puissances occultes, les dirigeants tunisiens tendent à donner l’impression de marchander sur le dos de leurs peuples respectifs. D’aucuns poussent l’analyse plus loin et estiment que Beji Caid Essebsi, personnalité qui a longtemps fonctionné sous un régime dictatorial, risquerait par son comportement actuel, notamment en faisant fi des réalités intrinsèques, de mener son pays tout droit dans le mur. Outre les tentations totalitaires subtiles, induites par le clanisme familial, l’on invoque ici une obédience quasi religieuse à des groupes d’influence étrangers qui pèseraient plus lourd que l’opposition au sein du pays du Jasmin. Cette obstination à nier l’évidence constituerait ainsi un écran de fumée opaque qui masquerait au leader tunisien bien des signaux d’alerte. Cerise sur le gâteau, les dernières déclarations de l’ambassadeur d’Algérie en Tunisie, Abdelkader Hadjar, disant que l’imposition de la taxe des 30DT a été instituée en direction des contrebandiers, aura attisé la hargne des contestataires aux frontières. Et pour cause, cette vérité de La Palice: «Les contrebandiers ne passent jamais par un poste frontalier!».