Après le lynchage de quatre chiites, dimanche près du Caire, le président Morsi, issu des Frères musulmans, est accusé d’entretenir la haine confessionnelle. L’opposition a lancé une campagne pour réclamer sa démission. L’armée a menacé d’intervenir.
Le président égyptien Mohammed Morsi a promis que «justice serait faite rapidement» après le lynchage, dimanche près du Caire, de quatre chiites par une foule sunnite déchaînée. Ces nouvelles violences nourrissent les accusations de l’opposition qui considère que le président, issu des Frères musulmans, encourage la haine confessionnelle en s’alliant avec les éléments les plus radicaux.
Le massacre s’est, en outre, produit au moment où l’Égypterisque de basculer. Plusieurs partis d’opposition, réunis pour la circonstance, demandent désormais la démission du président. La campagne, appelée «Tamarod» (Rébellion) lancée par les partis libéraux, conservateurs laïques et chrétiens, doit culminer dimanche avec un grand rassemblement devant le palais présidentiel, à l’occasion de l’anniversaire de l’intronisation de Mohammed Morsi.
Cette division de l’Égypte en deux clans, apparemment irréconciliables, pourrait entraîner une intervention de l’armée. Les militaires, qui avaient facilité le renversement du dictateur Hosni Moubarak, ont averti dimanche qu’ils pourraient rétablir l’ordre le cas échéant.
Dans cette ambiance délétère, de nombreux Égyptiens redoutent que le lynchage des quatre chiites, dont un dignitaire religieux connu, préfigure de futures violences. Selon l’Agence France-Presse, les habitants d’Abou Moussallam, un village du gouvernorat de Guizeh, près du Caire, se disaient lundi «fiers» d’avoir massacré les quatre hommes.
«Cela aurait dû arriver depuis longtemps»
«Nous sommes contents de ce qui s’est passé. Ça aurait dû arriver depuis longtemps», a dit à l’AFPun habitant du village, Mohammed Ismaïl, recueillant l’approbation autour de lui. Des vidéos montrent la foule traînant les chiites hors d’une maison, et les frappants à mort avec des bâtons aux cris d «infidèles!» et de «Dieu est grand!» La police, pourtant présente, n’a pas empêché les meurtres. Il n’y a qu’une vingtaine de chiites à Abou Moussallam. L’une de ces familles recevait dimanche Hassan Shehata, son frère et deux autres hommes. Shehata était une figure importante de la petite communauté chiite égyptienne. Il avait été emprisonné à plusieurs reprises sous le régime de l’ex-président Hosni Moubarak.
Les villageois reprochent aux visiteurs d’avoir cherché à «convertir» des habitants du village, une accusation peu plausible dans une société où l’appartenance à une communauté fait partie de l’identité. Les chiites sont minoritaires en Égypte, représentant environ 1 % de la population majoritairement sunnite, les chrétiens représentant environ 10 %.
Les lynchages ne se sont pas produits par hasard, disent les opposants au président Morsi. De fait, ce dernier ne semble pas faire grand chose pour lutter contre les prêcheurs salafistes, alliés de fait du pouvoir. Récemment, au cours d’une conférence donnée par le président, l’un de ces prédicateurs a traité les chiites d’«immondices». Les répercussions de la guerre en Syrie ont pu aussi exacerber l’animosité entre confessions. Nombre d’Égyptiens assimilent tout chiite à l’Iran, qui soutient le régime de Bachar el-Assad.
Mohammed Morsi s’est défendu en condamnant, lundi, «ce crime odieux en contradiction avec l’esprit de tolérance et de respect du peuple égyptien». Sans convaincre ses opposants, ni apaiser les tensions grandissantes en Égypte.