Le principe n’est plus irréversible, Retour vers la dette extérieure ?

Le principe n’est plus irréversible, Retour vers la dette extérieure ?

L’Algérie devrait recommencer à s’endetter auprès des marchés extérieurs, une option que la gouvernance économique et politique a considérée hérétique jusque-là mais qui risque d’être incontournable dans le contexte de précarité de la conjoncture financière et économique du pays.

Sus à l’endettement extérieur. Le développement socioéconomique du pays doit être financé localement, sur fonds propres. Deux principes que la gouvernance économique algérienne a longtemps considérés pérennes, immuables, infrangibles durant au moins les dix dernières années.

Fort endettée vers la fin des années 1980 et en situation de quasi-cessation de paiements, l’Algérie a été obligée, durant les années 1993-1997, d’emprunter auprès du Fonds monétaire international (FMI), de subir ses conditionnalités et de mettre en œuvre un plan d’ajustement structurel assez contraignant.

Une contrainte que le pays a pu néanmoins surmonter, relevant les défis imposés en termes de gestion optimale des ressources et des dépenses, pourtant dans un contexte sécuritaire et politique difficile et des revenus d’exportations d’hydrocarbures très faibles.

Une contrainte que les exécutifs en place depuis 1999, échaudés par la conjoncture des deux décades précédentes, n’ont pas voulu subir, en décidant de ne plus recourir aux marchés financiers extérieurs pour financer les divers programmes de développement économique, infrastructurel et social. Cela dans le contexte où la situation financière du pays s’est bien améliorée et consolidée durant la décade écoulée, la hausse progressive des cours du pétrole aidant.

Dans une attitude quasiment d’arrogance, l’Algérie a cessé d’emprunter auprès des marchés extérieurs et a même procédé au remboursement anticipé de sa dette extérieure, durant la mi-2000.

Une décision que les économistes et analystes financiers ont considérée non pertinente sur le plan de l’orthodoxie financière, de la logique, de la simple règle économique. Or, le contexte actuel est fortement marqué par la réduction drastique des revenus extérieurs et l’aggravation des déficits de la balance commerciale et des paiements.

Certes, l’économie algérienne dispose d’une certaine marge de manœuvre, bénéficiant encore d’une épargne conséquente (disponibilités du Fonds de régulation des recettes, réserves officielles de change, liquidités bancaires conséquentes…). Toutefois, le risque que l’Algérie se retrouve contrainte, après avoir épuisé ces disponibilités, de devoir s’endetter de nouveau à l’extérieur est patent.

Le recours ou le retour à l’endettement extérieur n’est pas à écarter, laissait entendre récemment le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, mais à terme. Ainsi, le refus de tout endettement à l’extérieur ne constitue plus un principe immuable. Or, l’Algérie devrait-elle revenir auprès des marchés extérieurs maintenant ou lorsque la conjoncture l’imposera inéluctablement ? Selon l’expert en ingénierie financière, Farid Bourennani, notre pays n’aurait «jamais» dû rester en marge du système financier.

Le remboursement anticipé de la dette a été certes une mesure utile mais le pays aurait pu cependant continuer en même temps de contracter des prêts, les rembourser et pouvoir emprunter de nouveau, considèrera-t-il. De même que l’emprunteur pouvait gérer le coût de la rémunération ainsi que le coût du risque induit, des coûts au demeurant régressifs.

Le pays démontrerait ainsi sa solvabilité, son statut de bon payeur et sa réputation, suscitant la confiance de la place financière internationale et bénéficiant par conséquent d’une bonne notation externe. Mais en se déconnectant du marché financier, en misant exclusivement sur ses fonds propres pour financer ses divers projets de développement notamment infrastructurels, leur affectant d’importants fonds publics sans contrepartie réelle et des projets assez couteux, l’Algérie a manqué de conforter sa réputation sur le plan financier international.

Cependant, cet expert estime que notre pays peut encore revenir sur le marché international. «Le plus tôt serait le mieux considère-t-il, à charge cependant de savoir renouer avec les prêteurs, susciter leur confiance.»

Il s’agirait de recommencer à s’endetter, de contracter des prêts ciblés, «par tranches» et en fonction des besoins d’investissements, au-delà de la question du taux d’intérêt et des coûts induits. Au-delà, les coûts seront plus chers et difficiles à gérer, la réputation de bon payeur ayant justement fait défaut jusque-là.

Ce faisant, la question d’aller ou de ne pas y aller, de contracter ou non des prêts à l’international relève de la responsabilité des agents économiques, tiendra à préciser un autre expert en ingénierie financière. Ces agents ont latitude à agir, certes au cas par cas, considèrera-t-il, appelant à sortir de tout dogmatisme dans le domaine financier, économique, commercial. Toutefois, il estime que l’Algérie devra revenir sur le marché extérieur dans tous les cas, une éventualité que les experts escomptent selon diverses projections au plus tard vers le début 2020. Il serait donc opportun de commencer à faire appel aux marchés extérieurs, relèvera-t-il.

Adoptant un point de vue différent, un universitaire spécialiste des questions bancaires et financières estime quant à lui que la question du recours à l’endettement extérieur ne se pose pas encore, au regard des efforts impulsés dans le domaine de la rationalisation du commerce extérieur et d’une certaine marge de manœuvre. Certes, le retour sur le marché extérieur pourrait être incontournable, considère-t-il, même si cela ne se décrète pas.

A charge cependant que les prêts contractés servent au financement de projets d’investissement générateurs de valeur ajoutée et qui permettraient de rembourser les emprunts, et non l’acquisition de biens de consommation.

C. B.