Les témoins qui se sont succédé ont nié avoir fait la connaissance ou rencontré Abdelmoumene Rafik Khalifa, ce qui a suscité l’ire du président du tribunal criminel qui a lancé en leur direction : « Connaitre Abdelmoumene Rafik Khalifa n’est pas un chef d’inculpation ! Abdelmoumene n’est pas une gale ! Je ne comprends pas pourquoi vous niez aujourd’hui l’avoir rencontré ! »
Le 16e jour du plus long procès des annales de la justice algérienne relatif à la caisse principale de Khalifa Bank, qui appartenait à Abdelmoumene Rafik Khalifa s’est poursuivi, hier, au tribunal criminel de Blida présidé par Antar Menouar.
Ce dernier a poursuivi pour le 2e jour consécutif les auditions des témoins, lesquels étaient d’ailleurs inculpés lors du premier jugement en 2007, ont purgé leurs peines et sont devenus par la force de la loi des témoins.
Parmi ces derniers figurent Mokadem Mohamed qui a occupé plusieurs postes de responsabilité dans le groupe Khalifa, notamment ancien directeur de l’agence de Blida, ex-responsable à la direction de l’exploitation à la direction générale et ex- directeur de l’agence de Chéraga.
Il a déclaré au juge qu’il travaillait à la BDL de Staouéli et que c’est la motivation financière qui l’a poussé à rejoindre le groupe Khalifa : « Lorsque j’étais à la BDL je ne percevais que 23 000 dinars, alors que le premier salaire qui m’a été proposé par Khalifa Bank était de 55 000 dinars puis au fil des années, je percevais 70 000, 100 000 puis 150 000 dinars. »
Le témoin a avoué avoir bénéficié de deux prêts bancaires respectivement de 56 millions de dinars et 2 millions de dinars qu’il a utilisés notamment pour l’achat d’un véhicule et d’un appartement F4 à Chéraga car sa mère, âgée de 98 ans, ne pouvait pas gravir les escaliers de son ancien appartement sis au 4e étage à la cité de Jolie vue 2 à Kouba.
Il a tenu à préciser que « les transferts de ces sommes ont été faits depuis l’agence de Chéraga sans qu’il ne formule de demandes ».
Le président intervient : « Est-ce que vous avez remboursé ces crédits et à qui vous avez-vous remis l’argent » ? Réponse : « J’ai remboursé la totalité de ces crédits après avoir vendu mon appartement de Chéraga et grâce aux retenues sur mes salaires ! ».
A qui avez-vous remis l’argent ? questionne le juge « A un certain Mahieddine qui occupait un poste clé à KRG ! », répond le témoin « Mais ce n’est pas ce que vous avez déclaré au juge d’instruction. Vous avez affirmé au même juge que vous avez remis l’argent en espèces à Khalifa Abdelmoumene en personne, n’est-ce pas ! Vous avez cité le nom de Khalifa car il n’était pas là ! » coupe le président
Le témoin a par ailleurs reconnu avoir opéré des transferts de 9 millions de dinars, 600 000 dinars et 15 millions de dinars depuis l’agence d’Oran vers la BNA et la BDL, et d’avoir chargé Mir Omar d’encaisser et ramener les chèques, et de les porter à son nom.
Interrogé sur la légalité des bons de caisse, Mokadem Mohamed a déclaré : « Les opérations effectuées par bons de caisse étaient légales ! ».
« Vous avez déclaré que vous avez été chargé de missions sportives au sein du groupe Khalifa. parlez-nous un peu des contrats de sponsoring des clubs des D1 et D2, lance le président
« En division une, 13 sur 16 équipes étaient financées alors qu’en deuxième division 10 sur 16 équipes étaient sponsorisées par le groupe Khalifa ».
A la question de savoir si les conventions étaient conclues par écrit, il a répondu : « Oui monsieur le président ! ».
Il est vite repris par le procureur : « C’est faux ! Le MCAlger au temps de l’ancien président du club Messoudi a refusé d’être sponsorisé par le groupe Khalifa car vous avez refusé de signer la convention par écrit ! ».
Concernant le contrat conclu avec l’Olympique de Marseille, le mis en cause a été catégorique : « C’est Abdelmoumene Khalifa qui a procédé à la conclusion du contrat en personne. Des personnalités ont pris part à cette transaction à l’instar de Maamar Djebbour qui connaît très bien le monde des sports ».
Concernant le crédit bancaire relatif au sponsoring des 24 clubs de la Ligue 1 et qui était de l’ordre de 18 milliards de centimes, le témoin a clamé haut et fort : « Ces sommes colossales ont été octroyées à une personnalité responsable ! »
Le deuxième témoin entendu n’est autre que l’ancien directeur de l’agence d’Oran Koras Hakim, qui a d’emblée nié avoir reçu des instructions de la part d’Abdelmoumene Rafik pour le retrait des sommes faramineuses.
Selon le même témoin, c’est le défunt Baichi Fouzi qui se présentait périodiquement pour retirer des sommes faramineuses. Il a tenu à préciser que pas moins de 1 090 écritures entre agences existaient.
Il a par ailleurs affirmé que : « Les fonds étaient transférés par avion toujours par Baichi Fouzi qui occupait le poste de premier responsable des transferts des capitaux ».
Il a en outre souligné que « le taux des commissions octroyées aux entreprises étatiques était de l’ordre de 1% ».
A la question de savoir quel était le trou financier causé à l’agence d’Oran, Koras a expliqué : « Il n’y a jamais eu de failles au sein de l’agence d’Oran mais il s’agissait plutôt d’écritures entre sièges qui dépassaient les 1090 ! »
Le président l’interrompt, l’expertise établie a conclu que le montant de ces écritures avoisine 45 millions de dinars !
L’intéressé réplique : « Je ne sais, pas monsieur le président ! »
Il n’a pas manqué enfin de préciser que feu Baichi a, par ailleurs, retiré des sommes en devises à l’exemple d’un million de francs français, et 16 millions de dinars qu’il a donnés sur ordre de Khalifa, au MC Oran.
Le troisième témoin appelé à la barre pour donner sa version des faits est Ameur Farid, l’ancien président de la commission des œuvres sociales des travailleurs de l’éducation nationale, accusé pour corruption et d’avoir bénéficié d’avantages à titre de complaisance.
Le concerné, qui a été condamné en 2007 à trois ans de prison ferme, a reconnu avoir retiré « les intérêts estimés à plus de 500 millions de dinars de l’argent des travailleurs de la BEA vers l’agence de Khalifa d’El Harrach sur sollicitation de l’ex-directeur Aziz Djamel ».
Il a par ailleurs reconnu avoir bénéficié de 4 billets gratuits de Khalifa Airways qui lui ont été offerts par Aziz Djamel suite aux dépôts des intérêts. « Je les ai remboursés au dernier centime. J’ai payé 168 000 dinars au liquidateur de la caisse principale de Khalifa Bank ! ».
Le quatrième témoin a être entendu est Menad Mustapha qui a occupé le poste d’ex-directeur financier au sein de la CNAS. Il a avoué avoir déposé des sommes importantes à la caisse principale de Khalifa pour la simple raison que le taux d’intérêt était plus intéressant que celui des banques étatiques.
L’intéressé qui a été, rappelons-le, condamné à trois ans de prison ferme lors de son premier jugement en 2007, a par ailleurs reconnu avoir bénéficié d’une carte de soins au centre de thalassothérapie de Sidi Fredj et d’une autre de Khalifa Airways.
Il a tenu à préciser qu’il est le frère de l’ex-joueur international Djamel Menad et qu’il ouvrait droit bénéficie de ces avantages !
Le cinquième témoin est l’ancien directeur général de la CASNOS, Boubattra Hacène, qui a écopé de quatre ans de prison ferme pour s’être rendu coupable en 2007 de plusieurs chefs d’inculpation, notamment abus d’autorité et corruption. Il a reconnu avoir déposé pas moins de 1 000 milliards de centimes en 2001 sur décision du conseil d’administration et le ministère de tutelle était au courant de ces dépôts.
Le sixième témoin auditionné par le juge est Benyoucef yousfi, l’ex-inspecteur général au sein de Khalifa Bank, qui a reconnu avoir bénéficié d’un prêt social de 150 millions de centimes qu’il a remboursé totalement, car on lui retenait cinq millions de centimes mensuellement de son salaire. Il percevait 70 000 dinars.
Il n’a pas manqué de déclarer au président qu’il avait relevé plusieurs anomalies et carences dans la gestion interne des finances de la caisse principale de Khalifa Bank et que suite à cela, il a été muté vers Khalifa Airways et Kebbache Ghazi, l’oncle d’Abdelmoumène Khalifa, l’a sommé de cesser d’établir des rapports dans ce sens car cela pourrait porter atteinte à l’image pas seulement de la banque, mais surtout du groupe Khalifa.
Il convient de signaler que le président en charge de l’affaire procédera aujourd’hui à l’audition de Mohamed Djellab, l’ancien ministre des Finances de l’équipe gouvernementale d’Abdelmalek Sellal, qui a occupé le poste d’administrateur à de la caisse principale de Khalifa Bank.
Alors que l’audience de demain sera consacrée à l’audition de Mohamed Laksaci, le gouverneur de la Banque d’Algérie, et de son adjoint Touati qui a été accusé par Abdelmoumene Rafik Khalifa d’avoir porté un énorme préjudice à la Banque Khalifa.