Le projet de loi criminalisant la violence faite aux femmes passé comme une lettre à la poste, le 5 mars, au Parlement, est confronté à une coriace opposition au sein de la chambre haute.
L’instance législative la plus importante semble, contrairement à l’Assemblée nationale, plutôt dominée par un courant peu amène envers la tendance féministe du Parlement.
Et selon les informations diffusées à ce jour, ce serait Bensalah lui-même qui serait à l’origine du blocage du projet, préférant le repousser à la session d’automne.
Une décision qui fera dire à certains observateurs au fait du sujet que le projet pourrait faire partie d’une série de mesures politiques obéissant à une feuille de route des gouvernants. La juriste Me Nadia n’y va pas par quatre chemins pour qualifier ce blocage de stratégie visant à « calmer les ardeurs du courant intégriste opposé à ce projet ».
Me Aït Zaï, qui est aussi enseignante à la faculté de droit et également directrice du Centre d’information pour les droits des enfants et des femmes (Cidef), ne veut pas encore croire qu’il s’agit d’une annulation pure et simple du projet et préfère supposer qu’il s’agit d’une temporisation visant à calmer le jeu sur le plan politique.
Se voulant plus explicite, la juriste précise : « Nous sommes dans le processus d’adoption d’une loi bien définie : une fois qu’un projet de loi est adopté par l’Assemblée nationale, il doit être soumis au Sénat qui doit l’examiner. »
Ce qui lui fera encore dire que le processus ne doit pas s’interrompre pour répondre à une agitation politique. « Maintenant, si c’est pour calmer le jeu et que le projet de loi passera à la session d’automne, on peut attendre.
Mais s’ils ne le programment pas lors de la session d’automne du Parlement, qu’ils le mettent aux oubliettes, moi, je considérerai cela comme une manière pour nos politiques et nos gouvernants de céder à la pression d’une minorité agissante. Et ce ne serait pas normal que nos gouvernants d’aujourd’hui agissent en fonction de cette agitation », explique-t-elle encore à une consœur d’un site électronique.
La loi criminalisant les violences faite aux femmes, proposée dans un contexte particulier caractérisé par une importante échéance électorale, n’a pas été du goût de nombre de défenseurs de la cellule familiale et les porteurs de courants islamistes.
Nombre d’entre les contestataires avaient dès lors crié au scandale derrière lequel se cacherait la main des courants laïcistes, un scandale qui viserait la destruction de la cellule familiale.
Les maris violents risquent de 1 à 20 ans de prison
D’ailleurs, présenté par le ministre de la Justice devant la commission juridique du Conseil de la nation le 22 avril dernier, le vote du projet semble avoir été bloqué en raison notamment des multiples campagnes dans les mosquées ou encore les dénonciations de l’association des oulémas musulmans qui a fait beaucoup de bruit, qualifiant l’avant-projet de loi de contraire à la Charia.
Pour rappel, le texte voté le 5 mars dernier propose que quiconque porte volontairement des coups à son conjoint, et en fonction des blessures, risque de 1 à 20 ans de prison avec la réclusion à perpétuité en cas de décès.
Un autre article stipule une peine de six mois à deux ans de prison contre « quiconque exerce sur son épouse des contraintes afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières ». Autre point stipulé dans le texte, celui du pardon de l’épouse qui mettrait fin à toute poursuite judiciaire dans les cas les moins graves, mais qui les maintiendrait, bien qu’allégées, dans les plus graves.
Sur les 462 députés, 284 étaient présents et 59 avaient remis des procurations pour le vote de ce texte modifiant et complétant le code pénal.
Les islamistes de l’Alliance de l’Algérie verte (MSP, El Islah et Ennahda) avaient boycotté la séance jugeant le texte contraire aux valeurs de l’islam.
Les critiques les plus acerbes avaient été celles des députés du parti El Adala qui avaient estimé notamment que criminaliser le harcèlement dans les lieux publics aurait dû s’accompagner par des lois mettant fin « au non port du voile et à la nudité des femmes dans les lieux publics, cause principale des harcèlements ».
El Adala avait dénoncé une loi « pour se venger de l’époux et de l’homme en général » qui cherche à « disloquer la famille ». Pour leur part les députés du parti des travailleurs (PT) avaient préféré s’abstenir lors de la séance.
Par ailleurs, le vote avait été salué par nombres d’organisations des droits de l’homme dont Amnesty International qui avait estimé que la loi était « un pas en avant ». Selon des statistiques, l’Algérie enregistre annuellement entre 100 et 200 décès de femmes chaque année, des suites de violences familiales.
D’autres porte-voix avaient par contre soutenu qu’au lieu de parler de violence faite aux femmes, il aurait été plus judicieux de désigner plutôt les faits par violences conjugales. Il n’est un secret pour personne que nombre d’hommes sont aussi victimes d’actes de violence (physique ou verbale) dont les auteurs sont aussi souvent des membres de leur belle-famille si ce n’est leur conjointe. C’est dire.