Le PT à la rescousse de Benyounès

Le PT à la rescousse de Benyounès

Il fallait s’y attendre. La présentation et le débat autour de l’avant-projet de loi sur l’import-export initié par le ministre du Commerce Amara Benyounès s’est transformé en une séance de lynchage. C’était l’occasion rêvée pour des députés islamistes, aussi bien militants du parti FLN que de l’Alliance verte, pour lancer des accusations violentes, s’écartant souvent de l’objet du projet, au néanmoins chef du parti MPA, connu pour ses positions politiques anti-intégristes.

Le « procès » d’avant-hier risque bien de se prolonger durant les débats et les travaux en commission, d’autant que la mode ces derniers temps est aux combats d’arrière-garde sur des sujets liés aux interdits de la religion.

On savait également qu’Amara Benyounès avait défrayé la chronique avec l’histoire de l’autorisation (annulée par la suite par le Premier ministre Sellal) de la vente en gros de boissons alcoolisées, ainsi que par ses récentes déclarations contre des lobbies qui dominent le commerce extérieur. Des ingrédients qui ont préparé comme un cocktail explosif cette séance de l’APN, l’une des plus houleuses et des plus virulentes.

Les députés islamistes ont demandé à Benyounès de démissionner du gouvernement, l’accusant d’autoriser non seulement « la vente du vin et des boissons alcoolisées », mais aussi de la viande porcine et son importation. Un flot de critiques qui a failli dégénérer, et qui aurait pu créer un profond malaise au sein de l’APN si l’hémicycle ne souffrait pas du phénomène de l’absentéisme.

Il aura fallu l’intervention du président de l’APN, Larbi Ould Khélifa, pour rappeler à l’ordre ces intervenants. D’ailleurs, la violence des propos de ces députés, essentiellement de l’Alliance verte composée du MSP, d’El Islah et d’Ennahdha, a complètement « charcuté » le débat sur un projet de loi attendu par les milieux politiques et des hommes d’affaires.

Énervé par le flot de critiques et parfois les dérapages verbaux de ces parlementaires islamistes, le ministre Benyounès a souhaité faire une entorse au règlement intérieur de l’APN en demandant à Ould Khélifa l’autorisation de répondre du tac au tac. Un souhait qui lui a été refusé, laissant au ministre le soin de préparer ses réponses à la fin des débats, comme de coutume. Ce qui a été fait dans la soirée d’avant-hier.

Par contre, certains députés du FLN ont lancé des flèches à l’endroit de Benyounès, notamment concernant le fonctionnement du système de contrôle du marché national. Sur l’avant-projet de loi, les critiques ont porté sur le manque de précision dans la définition des produits devant être importés et les applications « non maîtrisées » des textes de loi, allant jusqu’à évoquer le maintien du « flou dans l’attribution des licences d’importation ».

Mais la surprise de cette séance est venue du soutien inespéré des députés du Parti des travailleurs. Seul face aux critiques, Benyounès eut droit aux félicitations des députés du PT, qui ont expliqué ce positionnement par le fait que le ministre du Commerce avait dénoncé les nuisances de puissants lobbies dans le commerce extérieur. Pour le groupe parlementaire du PT, Benyounès a eu des positions « courageuses » pour dénoncer et contrecarrer l’emprise de ces lobbies, d’autant, explique-t-on, que ces puissants importateurs exercent ces activités qui risquent de fragiliser le gouvernement et ses actions de régulation du marché national, déjà déstabilisé par l’emprise de l’informel, la fuite des capitaux et l’évasion et la fraude fiscale.

Pour le PT, les critiques dont fait l’objet le ministre du Commerce viennent de la part de ces lobbies de l’importation, qui ne veulent en aucun cas que le gouvernement intervienne dans ce secteur névralgique par des moyens de contrôle et des systèmes d’observation et par l’introduction de leviers juridiques et d’octroi de licences spécifiques.

Rappelons que ce débat houleux a complètement enflammé les réseaux sociaux en créant des débats qui rappellent bien ceux des années 1990. Reste à savoir pourquoi un ministre du gouvernement, de surcroît chef d’un parti qui soutient le président Bouteflika, n’a pas eu le soutien du FLN de Saâdani lors de la présentation de ce projet de loi.

Homme seul ? Est-il devenu isolé depuis que les ministres technocrates (une bonne douzaine) de Sellal ont intégré la politique en devenant membres du comité central du FLN, parti majoritaire dans les institutions ? Y a-t-il eu des directives politiques pour « agiter » et faire comprendre à Benyounès que les rapports politiques ont changé ?

Il est vrai que le ministre était plutôt étonné par la sortie des députés du FLN, alors qu’il s’attendait aux réactions intempestives des islamistes. Selon des sources politiques, ce qui s’est passé lors de cette séance est un message à tous les ministres non affiliés au FLN. Désormais, faire partie du gouvernement à majorité FLN ne signifie pas soutien total et systématique. Il faut d’abord solliciter l’appui de la direction politique du parti et « montrer l’allégeance ». Sinon, les avant-projets de loi ne passeront pas.