Le danger vient d’abord de la Silicon Valley et de ses voitures connectées.
Le scandale qui frappe aujourd’hui Volkswagen et entache sérieusement la réputation jusque-là irréprochable du «made in Germany» n’est pas la pire chose qui pouvait arriver à l’industrie automobile allemande, selon le spécialiste allemand du secteur automobile Martin Stahl, à la tête de l’entreprise Stahl Automotive Consulting. Dans une interview à l’hebdomadaire Der Spiegel, le consultant affirme que la nouvelle menace qui plane sur les constructeurs automobiles allemands vient de la Silicon Valley.
Selon lui, les géants américains de l’informatique que sont Google et Apple pourraient bien devancer les grands constructeurs allemands sur le marché de la voiture connectée avec leurs projets de voitures autonomes –la «Google Car» chez le premier et le «Project Titan» chez le second:
«Google et compagnie ne voudront pas se lier à la plate-forme logicielle d’un constructeur. Cela n’aurait pour conséquence que des discussions au sujet de à qui appartiennent désormais telles données.[…]
Par le biais des nombreux capteurs qui sont installés dans les voitures, Porsche et compagnie savent aujourd’hui déjà comment se comporte le conducteur quand il est au volant. Conduit-il d’une manière sportive? Combien de kilomètres fait-il par jour? Et où conduit-il, plutôt en ville ou sur l’autoroute? Mais le constructeur n’utilise pas ces informations aujourd’hui pour des raisons de protection des données personnelles. Pour Google, ce savoir serait pourtant extrêmement intéressant afin de concevoir des offres sur mesure à l’attention du chauffeur. Étant donné que les constructeurs ne transmettront pas ces données sans se battre, cela fait une raison de plus pour Google pour concevoir sa propre voiture.»
Prestataire de données de mobilité
En 2014, le quotidien Die Welt évoquait déjà ces problèmes que rencontrent les grandes entreprises allemandes qui équipent leur véhicules avec le logiciel de Google Android Auto, estimant qu’elles s’engageaient dans «des relations risquées» avec le géant américain:
«Les constructeurs automobiles doivent en effet se défendre face aux ambitions de Google d’avoir accès aux données des clients. Collecter et traiter des données continue de faire partie du modèle économique des Américains.»
Google et Apple n’ont pourtant aucun intérêt à fabriquer eux-mêmes ces voitures autonomes. Selon Martin Stahl, ces entreprises se profileront sur le marché de l’automobile en tant que prestataires de services de mobilité intégrée et non en tant que constructeurs, et feront donc appel à des sous-traitants, mais certainement pas aux entreprises allemandes:
«Dès qu’Apple et Google se seront établis sur le marché de l’automobile avec leurs propres produits, il sera très difficile de les évincer. Et les voitures de Google et Apple ne sont certainement pas produites à Wolfsburg, Stuttgart ou Munich.»
Un modèle économique dépassé
Toujours selon Martin Stahl, les constructeurs allemands ne pourront être compétitifs sur le marché de la voiture connectée, où le nombre de données sera sans doute plus important que la puissance en chevaux, que s’ils changent totalement leur manière de penser et s’adaptent aux besoins de l’économie du partage en misant sur le modèle du carsharing:
«C’est déjà étonnant que le modèle économique des constructeurs automobiles ait fonctionné si longtemps. 96% du temps, la voiture n’est pas utilisée. En posséder une n’a aucun sens sur un plan économique.»