Le débat autour de l’indépendance de la Justice ne cesse d’enfler depuis le dernier communiqué pondu par le syndicat national des magistrats.
En effet, alors que celui-ci s’est dit prêt à se constituer en partie civile contre tous ceux qui porteraient atteinte aux juges, notamment, ceux qui remettraient en cause leur indépendance, les voix se lèvent pour dénoncer cette position. C’est le cas de l’ancienne magistrate, Zoubida Assoul qui a qualifié cette menace de « grave ». Contactée par nos soins, Assoul s’est étonnée quant à cette position en affirmant que « le Syndicat devrait être content de la prise de conscience chez le citoyen algérien et non pas le contraire ». Se disant « choquée » de cette « menace », la magistrate n’a pas mâché ses mots en précisant que le Syndicat « ne va, tout de même, pas poursuivre tout le peuple algérien en Justice ! ». « Ce sont les mêmes pratiques du régime.
Chaque fois qu’une voix s’élève et qui n’est pas concordante avec le pouvoir en place, on entame des poursuites judiciaires », a-t-elle fait remarquer, avant de préciser que les appels à libérer la Justice des injonctions ont pour objectif de « libérer les juges ». Affirmant que le dernier communiqué du Syndicat porte « de nombreuses contradictions », Maître Assoul a, d’ailleurs, fait remarquer que le Syndicat des magistrats se dit libre et indépendant, or qu’il reconnaît que « les conditions ne sont pas réunies pour l’être. Ainsi, notre interlocutrice s’est interrogée pourquoi « interdire aux politiques et à la société civile de dénoncer les injonctions dans la Justice ? ».
« Notre objectif, c’est de libérer la justice réellement, mais pas de la soustraire d’une injonction à une autre injonction », a-encore martelé Maitre Assoul.
S’étalant, justement, sur le passage du communiqué du syndicat, dans lequel il a affirmé qu’on ne peut parler d’une justice indépendante à la lumière des lois et du cadre légal actuels, Maître Assoul a précisé que « ce constat est clair ». Selon elle, « l’indépendance de la justice est d’abord une volonté politique ».
Elle a reconnu, à cet effet, que « de nombreux textes de lois doivent être révisés, à l’instar du statut de la magistrature, ainsi, que la Constitution elle-même qui met la présidence du conseil supérieur de la magistrature sous tutelle du président de la République, qui lui représente le pouvoir exécutif ».
Indiquant que « tout doit changer pour pouvoir libérer les magistrats pour qu’ils ne soient plus sous l’emprise du pouvoir exécutif et politique », la magistrate a, de surcroît, rappelé que de nombreux magistrats ne « peuvent du jour au lendemain devenir indépendants ». « Il faudrait qu’à l’intérieur de la Justice, il y ait une certaine « purge », notamment, dans les postes de responsabilités », a-t-elle plaidé. Sur ce, elle a soutenu que de nombreuses nominations à des postes stratégiques dans la Justice ont eu lieu, par le passé, en fonction des ordres de l’ex président de la République Abdelaziz Bouteflika.
Rappelant que les vacances judicaires auront lieu du 15 juillet au 15 septembre, la magistrate a exprimé, ainsi, son souhait que le mouvement dans le corps judicaire qui sera opéré, prochainement, par le Conseil supérieur de la magistrature soit « radical ».
Commentant, par ailleurs, le discours du chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, dans lequel il avait appelé « la Justice à accélérer les enquêtes sur la corruption et la dilapidation des biens publics », la magistrate a précisé que cette « phrase met les magistrats sous la pression ». En effet, selon ses dires « la justice doit travailler sereinement, dans la légalité et le respect des procédures et des droits de l’homme ». « Il y a une différence entre vitesse et précipitation », a-t-elle noté.
Lamia Boufassa