Le trafic de devises porte atteinte à la sécurité nationale

Le trafic de devises porte atteinte à la sécurité nationale

Par Dr Abderrahmane MEBTOUL

Depuis quelques mois, le sujet sensible du trafic de devises est commenté différemment. Ainsi l’APS annonce mi octobre 2018 que les services de la Police aux frontières (PAF) ont mis en échec des tentatives de transfert et que 300.000 euros et 26.000 dollars ont été saisis. Cette brève analyse est un éclaircissement pour éclairer l’opinion publique autour de quatre points essentiels, devant poser les vrais questions pour solutionner les vrais problèmes. Car les surfacturations, sans compter les trafics aux frontières des produits subventionnés, qui ne datent pas d’aujourd’hui, conséquence d’une gestion administrée, peuvent représenter plus de 98% des transferts illicites de devises, les saisies aux ports et aéroports environ 2% , portant atteinte à la sécurité nationale.

Premièrement, devant s’attaquer à l’essentiel, une nouvelle régulation de l’économie algérienne existant un théorème en sciences politiques : 80% d’actions mal ciblées ont un impact seulement de 20% sur le fonctionnement de la société avec un gaspillage financier que l’on voile par de l’activisme, mais 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80%,   renvoyant à une vison stratégique qui fait cruellement défaut. Il  ne faut pas se tromper de cibles, devant différencier stratégie et tactiques pour paraphraser le langage des stratèges militaires,  existant  souvent   une confusion entre les sorties de devises résultant des importations de biens et services  et le total des dépenses  entre 2000/2017.  Or sans prétendre détenir la vérité,  les calculs de certains  soi- disant experts sont erronés  , prenant les dépenses données officielles du premier ministre algérien fin décembre 2017 devant l’APN   d’environ 1100 milliards de dollars  entre 2000/2017, budget de fonctionnement constitué en majorité de salaires  et d’ équipement (environ 580 milliards de dollars) , appliquant  un taux de  surfacturation de 15/20%   affirmant 150/200 milliards de dollars de transfert de devises entre 2000/2017 ,  induisant  en erreur l’opinion publique nationale qui a une très faible culture  économique.

Deuxièmement, il  s ‘agit de différencier les surfacturations en dinars (pour des projets  ne nécessitant pas ou peu de devises) des surfacturations en devises, existant deux sphères d’agents ceux reliés uniquement au marché interne ( dinars) et ceux opérant dans le commerce extérieur (devises), ce processus se faisant en complicité avec les étrangers,  bien que certains agents économiques opèrent sur ces deux sphères,  pouvant  exister, des surfacturations partie dinars , pour  des projets ne faisant pas partie de importations  notamment  dans le BTPH  et services . Prenons  l’hypothèse d’un taux de 10% de surfacturation, ce n’est qu’une hypothèse,  étant  plus facile pour les services où certaines surfacturations peuvent atteindre plus de 15%. Les  sorties de devises de biens et services entre 2000/2017, étant estimées à environ  600  milliards de dollars,  cela donnerait  un montant total de sorties de devises  de 60 milliards de dollars soit 7080 milliards de dinars, certes montant important mais loin de certains montants données par  la propagande sans analyses objectives. Les quelques millions de dollars saisis aux frontières concernent ceux qui ont accumulé en dinars légalement ou illégalement , puisque pour les autres, une grande partie devises est déposé à l’étranger sous différentes formes et n’ont pas besoin de faire transiter les devises aux frontières. par rapport au  montant colossal des surfacturations qui constituent un transfert indirect de la rente des hydrocarbures, environ  12 fois  le déficit cumulé sur plusieurs années de la caisse des retraites dont le montant vient d’être estimé officiellement à 580  milliards de dinars.

 Troisièmement,  il  s ‘agira d’éviter cette confusion  dans le  calcul du montant de la sphère informelle en différenciant plusieurs méthodes  de calcul qui donnent des montants différents soit  par rapport au produit  intérieur brut( PIB) , par rapport à la masse monétaire en circulation et le montant des devises échangé sur le marché parallèle. Devant différencier acte de gestion pratiques normales de la corruption, afin d’éviter la démobilisation des managers,  les services de sécurité et les différents organisâmes de contrôle devant vérifier l’origine de ces montants de transferts illicites de devises  saisissent régulièrement  des importantes sommes de sorties de devises aux frontières, l’objectif stratégique est  d’établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur soit légalement ou  à travers les surfacturations  et les montants provenant essentiellement d’agents possédant des sommes en dinars au niveau local légalement ou illégalement , non connectés aux réseaux internationaux.

Quatrièmement, ces surfacturations dont le montant peut représenter plus de 98% des transferts illicites de devises   peuvent concerner tant les entités publiques que privées . Pour les entités privées, une fraction retourne en Algérie les reconvertissant en dinars sur le marché parallèle, évitant par  là du fait de la baisse de l’offre de ‘migration, une déprécation plus importante sur le marché parallèle  et permettant ainsi de se livrer aux importations  avec des surfacturations assistant ainsi à un cercle vicieux de pompage  des devises du pays, faute  d’un système de contrôle efficient qui concerne tant les organismes  de contrôle parlementaire et techniques, institutions  de lute contre la corruption, cour des comptes, plusieurs départements ministériels notamment le commerce et les finances dont la cohérence implique de les regrouper dans un mémé ministère  . Pour le calcul des  transferts illégaux de devises, l’on doit  devant ramener, pour des comparaisons sérieuses, la valeur du dinar qui est coté en octobre  2018 à 118 dinars un dollar et en 1974 nous avions 5 dinars pour un dollar. Un exemple, le salaire de 2000 dinars en 1974 équivaut en termes de parité de pouvoir d’achat plus de 200.000 dinars de 2018. Ayant  eu à diriger le dossier du bilan de l’industrialisation entre 1965 et 1978 pour le gouvernement  de l’époque ayant quantifié d’importants surcouts par rapport aux normes internationales,  et le dossier des surestaries en 1983 en tant que directeur général es études économiques et haut magistrat comme  premier conseiller à la Cour des comptes, pour la présidence de l’époque  au moment du programme anti-pénurie , au vu des importants montants  illégaux  détectées à travers des échantillons, j’avais conseillé à la présidence de l’époque d’établir un tableau de la  valeur en temps réel, reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité) , tableau qui malheureusement n’a jamais vu le jour du fait que la  transparence des comptes s’attaquait à de puissants intérêts occultes. Par ailleurs, existent des liens entre trafic de devises, de drogue et terrorisme ( voir intervention du Pr Abderrahmane Mebtoul  « l’Algérie face aux trafics et au terrorisme   au niveau de la  région sahélienne »-  Ministère de la défense nationale -Institut  de Documentation, d’Evaluation et  de  Prospective- trafic des frontières et la sécurité au Sahel 27 mars 2018- Le Pr Abderrahmane Mebtoul interviendra en décembre 2018 à l’invitation du   Ministère de la défense nationale –IMDEP- qui organisera une rencontre internationale sur le thème « l’environnement sécuritaire de l’Algérie en 2035 :quelles conséquences pour notre outil de défense).

En résumé,  il s’agit   d’éviter de fausses solutions à des problèmes mal posés, de s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire Evitons d’induire en erreur l’opinion publique par une analyse objective car ces pratiques condamnables qui portent atteinte à la sécurité nationale et au développement futur du pays, l’essentiel du trafic des devises proviennent des surfacturations.. Il s’agira   de quantifier sérieusement ces transferts illicites de devises qui portent atteinte à la sécurité nationale, d’où   l’urgence d’une nouvelle régulation de l’économie nationale,   d’expliquer objectivement l’écart d’environ 50% entre le cours du dinar sur le marché parallèle et la cotation officielle du dinar algérien qui dépend largement de l’évolution du montant des réserves ( via la rente des hydrocarbures)  qui tiennent à plus de 70% la cotation du dinar  et donc  l’essence de la sphère informelle. Ainsi que d’analyser l’impact  de  la politique des subventions généralisées et sans ciblages.qui permettent  le trafic des marchandises  aux frontières et des connexions avec le terrorisme via la drogue.